Le bonheur se lisait chaque jour dans les yeux de Vent du Sahara, grandement fier de sa progéniture. Le rêve qu'il avait tout petit, lorsqu'il est entré dans un clan avait été celui-ci : connaître le véritable amour, servir son clan et être le géniteur de quelques frêles chatons dans le but de les rendre grand et fort. Certes, il n'était pas totalement réalisé et ne le serait pas avant sa mort même voir encore après mais il fallait prendre les choses sur le moment. Il était un membre à part entière du Clan de la Rivière, on l'avait accepté comme il le fallait, il le servait et avait une compagne et des petits, que demander de plus à ce cher monde ?
Pourtant, quelqu'un semblait pas du même avis, décidément. La vie ne semblait pas lui sourire tandis qu'il admirait le crépuscule, l'air mélancolique, Vent du Sahara sentait qu'il devait faire quelque chose comme aller réconforter son lieutenant en tant que frère de cœur et non en tant que guerrier ou simple beau frère. Il lui devait beaucoup, à son tour de lui rendre l'appareil. Il s'approcha donc à pas de loup vers le félin gris dont son pelage possédait des reflets argentés dans la fin de journée. La première chose faite fut qu'il l'interpella d'un ton neutre, même si on savait tous ô combien il était fort heureux de sa journée. En se mettant à la hauteur de son camarade, il miaulait.

« Tout va bien ? Tu as besoin de parler, ça se voit. T'en fais pas, je serais toujours là pour toi. »

Vent du Sahara était confiant et il savait que son meilleur ami lui dirait tout. Le rouquin était intrigué par les probables questions que pouvait se poser le bras-droit d'Étoile de Nénuphar. Il n'avait tout de même pas de soucis à se faire, Esprit des Songes était un mâle de confiance.

Certes, le bonheur et l'espoir manquait dans certains yeux, mais parfois, ils en étaient proches sans trop le savoir. C'est à ce moment qu'il avait quelqu'un pour leur dire ou leur rappeler cela. Mais parfois, lorsqu'il n'avait personne, il finissait par s'en éloigner en perdant tout.
Vent du Sahara avait eût cette conviction lors de la mort de Douce Brise. Il n'avait pas été là, et tout d'un coup, tout s'effondrait autour de lui. Sa fille était devenue orpheline maternelle, même si elle avait tout un clan autour d'elle, tel une grande famille. Le guerrier toux s'y sentait lui-même à ses aise, depuis le temps où il y était. Plus que jamais, aux côtés de Reine des Neiges et ses chatons, qu'ils soient adoptifs ou biologiques, aux côtés de ses bons amis, qu'ils soient plus au moins proches de lui, il voyait encore l'avenir.
Esprit des Songes ne devait plus le voir, sûrement plongé désormais dans un chagrin d'amour. Il aurait du mal à se recueillir, devant s'occuper du Clan en tant que lieutenant mais aussi chef légitime étant donné la maladie qui frappait Étoile de Nénuphar. Mais elle n'avait pas le droit de mourir, elle devait se battre jusqu'au bout. Le matou gris tigré n'était pas prêt à cela, pas du tout. Vent du Sahara espérait de tout son cœur que Poisson du Nil annoncerait bientôt la convalescence de la meneuse. Il le fallait.

En s'approchant, il remarqua le regard on-ne-peut-plus rêveur et nostalgique de son frère de cœur — oui, car il le considère ainsi à présent, la première personne qui soit venu vers lui et cela, il ne l'oubliera pas.

« — Bien sûr, tout va bien Vent du Sahara.

Le rouquin hocha la tête, puis cela lui fit un tilt. Son nom. À présent, il avait du mal à le voir du même angle. Il avait envie de tourner la page et de se risquer vers de nouveau horizon. Il avait déjà en tête celui qu'il espérait avoir et il devait en parler à son camarade, peut-être cela le rendrait heureux mais peut-être refuserait-il que son nouveau nom soit trop dur à entendre.
Seulement, le félin n'eut pas le temps de répondre car Esprit ses Songes avait reprit.

« — Oh , ce n'est pas grand chose. Je faisais simplement me remémorer des doux souvenirs puis mes anciens confrères et consœurs avec qui j'ai combattu et que j'ai grandi. Ne t'en fais pas pour moi, je sais me débrouiller, lança-t-il tout en esquissant un léger rictus qui suffit à Vent du Sahara qu'il disait vrai.

À quoi bon douter de lui ? Ce qui s'émanait du matou aux yeux bleus n'était autre qu'une âme charitable, rien de plus beau.
Le guerrier roux plongea aussitôt dans sa mémoire lointaine. Elle remontait au temps où il était chaton. Sa mère était d'une splendeur inégalable et étrangement, il se souvint du pelage semblable à celui de la feue compagne d'Esprit des Songes. Lorsqu'il est arrivé dans le Clan de l'Ombre, le corps de son père était étalé au sol. Quelqu'un portait un message de sa part, lui-même le portait étrangement du Clan des Étoiles.

« — Le chaton roux aux yeux bleus qui entrera dans ce camp sera orphelin, essoufflé, proche de la mort. C'est ton fils. »

Vent du Sahara ne se rendit pas compte de ce qu'il venait de dire à voix haute. Il croyait encore que cela était dans le flux de ses pensées. Tout à coup, revenant à la réalité, il sentit la présence de son camarade, et de son œillade intriguée vers lui. Il n'avait pas entendu sa question, malheureusement, trop occupé à penser.
Le guerrier secoua la tête, c'était le passé. Il ne devait plus y repenser. À présent, il était du Clan de la Rivière, il était un combattant loyal de ce clan, prêt à s'investir à fond. Il baissa la tête, inspira, expira, puis la releva.

« — Excuse-moi. Tu disais ? commença-t-il. L'intrigue planait mais il ne laissait pas le temps à son frère de cœur de répéter ce qu'il venait de dire, se rappelant alors de quelque chose qu'il fallait qu'il lui dise. Écoute, je voulais m'excuser pour Douce Brise. Et je voulais aussi te demander l'officialisation de ma présence dans le camp. Être totalement à ce clan, vraiment, reprit-il. Il sentit soudain la question arriver, alors il continua ce qu'il voulait lui demander. En changeant de nom. Et en l'honneur de ta feue compagne, j'aimerais me nommer Souffle des Brises. M'en voudrais-tu de te demander une telle chose ? questionna-t-il dernièrement. »

Il avait peur de la réaction du matou, tant qu'il baissa de nouveau la tête, le cœur battant la chamade. Une boule dans son ventre se forma, si bien qu'il savait sur tant qu'Esprit des Songes n'aurait pas répondu, il n'aurait pas le courage d'ajouter autre chose. La peur lui nouait l'estomac et la faim qui allait faire gargouiller celui-ci l'espace d'un instant se dissipa aussitôt. Il avait trop peur.

| hrp : désolé du retard. on dit que douce brise est morte ? |