Les rayons du soleil ordonnèrent à la forêt de s'éveiller, et le monde s'activa. La faible lumière rosée par les douceurs de l'aube s'agrippa au pelage de Nuage du Lion, faisant presque de lui l'égal de l'astre, lorsque les néons enflammèrent son pelage. Il bailla puis s'étira vivement. Il savoura la douce chaleur du ciel une fois sorti de la tanière des apprentis, puis se dirigea vers la pile de gibier, qu'il trouva, pour une fois, vraiment bien garnie. Non pas qu'il mangeait comme quatre, mais il préférait voir que la quantité permettrez à son Clan de ne pas avoir l'estomac dans les talons. Après un ronron grave, il piocha une musaraigne pour calmer sa faim envahissante.

Il tourna la tête vers les dortoirs des guerriers et y décela la présence de Danse du Soleil. Il n'avait pas oublié les avertissements de son père au sujet de son mentor, alors il se contenta d'ignorer son absence, et de prendre cela comme une journée de repos dans son entrainement. Son attention se reporta sur le garde-manger, et sur le campagnol bien portant qui trônait en son sommet. Un sourire en coin se matérialisa sur ses lèvres. Il le saisit par la queue, puis se dirigea vers la pouponnière. Il avait appris que son Lieutenant, Cœur du Temps, était devenu papa récemment. Il voulait voir à quoi ressemblait le futur visage du Clan de la Rivière, et féliciter leur mère, bien sûr. Il entra silencieusement pour éviter de réveiller les petits, si ils dormaient, mais se rendit compte que ceux-ci étaient aussi turbulents que lui quand le novice avait leur âge. Son regard plongea dans celui de la reine blanche froid. " Félicitations, Reine des Neiges, ils sont merveilleux ! " elle le remercia d'un signe de tête, et Nuage du Lion leur déposa sa trouvaille en guise de cadeau. Il sortit ensuite du sanctuaire pour aller se changer les idées. Et chasser aussi.

Il ralentit sa course à l'approche des Roseaux, un vrai labyrinthe dans lequel il avait l'habitude de chasser. Il entendit au loin l'écoulement de la sereine rivière, et repensa soudainement à Nuage de Rose. Ici, elle avait failli se noyer, mais le mâle roux l'avait sauvée. Sa meilleure amie, il l'aimait avec son cœur, mais la belle avait préféré se suicider dans les chutes, ayant assez de la vie après la disparition de Nuage d'Orage. L'apprenti aux yeux rouilles avait retrouvé son corps dérivent sur les eaux, et à se moment son cœur s'était serré, pour ne pas dire refermer. Refermer était cependant un grand mot, car Nuage du Lion n'avait pas perdu sa vitalité, mais il prenait sur lui. Il s'était toujours dis de vivre pour les morts, vivre la vie qu'ils n'ont pas eu la chance d'avoir. Et c'est ce qu'il faisait, pour Nuage du Coton, et maintenant, pour Nuage de Rose. Il resta ainsi, les yeux fermés, à penser à leur passé, assis au milieu des végétaux aquatiques. Son calme fut troublé par un bruit dans les environs, comme si quelque chose était tombé. Ne préférant pas signaler sa position si c'était un ennemi qui se cachait ici, il se contenta de rester sur ses gardes, avant de sentir l'odeur rassurante du Clan de la Rivière. Perplexe, le matou ambré s’essaya une nouvelle fois. " Boule Marine ? Que fais tu ici ? "

Nuage du Lion observait la petite tigrée qui venait de sortir de sa cachette de fortune, la tête légèrement penchée sur la droite. La fille de Reine des Neiges s'extirpa enfin du dédale de tiges trop grandes pour elle. "Ça ne se voit pas ? Je te suis pardi. Regarde-moi, je suis salle.." telle fut sa réponse, qui eut pour résultat de faire rire l'apprenti. Il l'écouta jacasser, crier en réalisant que sa mère risquait de la gronder si elle la voyait revoir le pelage en bataille. Le rouquin soupira. " Et si Maman apprend que tu étais en dehors du Camp, tu feras quoi ? " Il devait avouer que la présence de cette boule de poils finirais par l'agacer, et lorsqu'il compris qu'elle ne tenait compte de sa remarque, il fronça les sourcils. Elle le regarda avec cet air supérieur qu'il détestait, puis lui demanda avec amusement de lui faire sa toilette. Et puis quoi encore ? Nuage du Lion leva les yeux au ciel. " Bah tiens. Tu veux un loup de mer pour toi toute seule tant que tu y es ? " La colère. C'était tout ce qu'il y avait dans sa voix quand il la réprimanda.

Nuage du Lion garda les yeux mis-clos lorsqu'il tourna sa tête pour regarder la rivière. Pourquoi ses émotions lui semblaient si incontrôlables ces derniers temps ? Il avait peur de devenir un monstre, honnêtement. Le matou avait toujours su garder le contrôle de lui même, mais à ce moment précis, grondant Boule Marine, il s'était laissé submergé. Bon Dieu, que lui arrivait-il ? Il reporta son attention sur la petite tigrée qui se tenait toujours devant lui, réagissant à ses moindre faits et gestes. " Je ne vais pas y aller par quatre chemins : Rentre au Camp. Tout de suite, et ne t'avises plus jamais de me suivre. Est-ce-bien clair ? " Malgré le calme qu'il s'était promis de garder, ses paroles restaient agressives, voir effrayantes de la part de ce chat ayant pour habitude de péter la joie de vivre.

Il commença à faire demi-tour, car il savait la petite débrouillarde : elle saurait retrouver son chemin en suivant sa propre trace. Il s'arrêta. Et si il lui arrive quelque chose ? Tant pis, elle n'avait qu'à rester avec sa mère, cette insolente. Il ferma les yeux pour se retrouver, lui, cet apprenti altruisme . Nuage du Lion ne se rappelait pas avoir un jour renié ses devoirs en tant que chat du Clan de la Rivière ! Alors pourquoi, d'un coup, il n'avait que faire du sort de Boule Marine ? Son devoir était de protéger les plus jeunes jusqu'à ce qu'ils puissent se débrouiller seuls, de protéger les siens, et la petite était des deux camps, il n'aurait même pas à douter sur ce qu'il devait faire, et pourtant... Il baissa la tête, ayant soudainement compris ce qui le turlupinait. La mort de Nuage de Rose. C'est depuis ce jour... que je ne suis plus le même... Il se retourna, et fixa la boule de poils dans les yeux. Cela faisait comme un miroir, qui reflétait tout sauf ce qu'il était. Serait-il possible que cet événement m'ait changé ? il cherchait désespérément une réponse dans les yeux innocents de la petite, mais il n'y trouva que haine, colère et rage. C'était vrai, il avait changé.

Un moment de silence passa, et qu'il était long ! Ou du moins, c'était l'impression du novice roux. Cela faisait longtemps qu'il était assis, à contempler le vent vibrer dans les feuilles des roseaux. Boule Marine risqua à s'approcher de lui, un pas tremblant devant l'autre. " T'inquiète pas, je sais se que sa fait de se sentir comme abandonné par une personne chère à nos yeux. " Les paroles de la petite résonnèrent dans l'esprit de Nuage du Lion. Il ne se sentait pas abandonné, car Nuage de Rose avait fait son choix, et il le respectait mais... il se sentait tellement seul ! Pourtant, il avait tant d'amis à ses cotés, de personnes sur qui il pouvait compter ! Il continuait maintenant de marcher à travers les quenouilles qui lui chatouillaient le visage. Réfléchissant au sens du dire de Boule Marine, il ne remarqua même pas que celle ci le suivait encore.

Elle avait raison, après tout. Il fallait sourire à la vie, lui même se le répétait. Et il ne fallait pas se changer en monstre ressassant sa peine à travers le monde et pourrir celui de son entourage. Le rouquin se fit une raison, celle de regarder son monde avec le sourire, pour une fois. La mort de Nuage de Rose ne le hanterait plus, désormais, il devait passer à autre chose et redoubler d'efforts pour rattraper son manque de courage. Nuage du Lion s'arrêta enfin, se retourna pour entrevoir l'absence de la chatonne qui l'avait fait clairement changé d'avis. Il écarquilla les yeux quand il entendit sa voix affolée à travers les végétaux poussant en des lieux humides. Elle se trouvait à sa droite, mais elle n'apercevait point le matou cuivre. Ce dernier alla la saisir par la peau de la nuque et la déposa là où les tiges se faisaient moins nombreuses, moins épaisses et moins hautes.

Alors que la petite grisette enlevait les morceaux de terre coincés dans son pelage tigré, le chat aux yeux rouilles la regarda, amusé. Il lui fit une lichette entre les deux oreilles pour lui faire comprendre qu'il était désolé de l'avoir effrayée avec ses airs de fous. " Merci. " Cette fois, on retrouvait le Nuage du Lion ravi, heureux et optimiste qu'on avait l'habitude de voir. Celui que l'on connaissait, que l'on détestait, que l'on aimait. Il était de nouveau lui-même. Il leva la tête vers les cieux qui déversaient sur eux les larmes des nuages, savourant chaque gouttes ruisselant sur son pelage imperméable. Ne pleurez plus Nuage de Rose, ceci était son choix. Respectez le. Il s'adressait au Clan des Étoiles, étant sûr d'être entendu cette fois ci. Il en eut la conviction quand la pluie laissa sa place à un arc-en-ciel qui se dessinait au loin, vers les Chutes, comme pour honorer la mémoire de la femelle défunte. Souriant, Nuage du Lion reporta son attention sur Boule Marine, émerveillée.