Le chat se balladait, aussi insolent, aussi nonchalant que d'habitude. Il n'était pas venu là pour chasser. Il en avait juste eu marre de l'ambiance de son Clan. Alors il était partie. Peut être allait-il ramener une ou deux proie. Peut être pas. Cela dépendrait de son envie. Il était égoïste. Et alors ? C'était comme ça point barre. Il n'avait à se justifier devant personne. Il voulait juste qu'on lui fiche la paix. Au moins quelques instants. Qu'on arrête de lui demander de faire des choses pour le Clan. Qu'on arrête de lui donner des ordres. Il en avait marre. De plus le vent qui soufflait sur la lande lui avait envoyé des grains de poussière dans les yeux. Il avait mis plus d'une demi-heure à s'en débarrasser. Et puis zut. Si Regard du Cobra voulait sortir un peu, prendre l'air, alors il partait ! Point. Sauf que ça ne marche pas comme ça dans un Clan. Les autres passent avant vous. Votre vie ne vaut que dalle. Et ça il avait fini par s'en rendre compte. En fait le chat savait ça depuis le début. Depuis cette nuit ou Nuit d'Hiver était partie. Oui a partir de ce moment-là il avait commencé à comprendre que sa propre vie ne valait rien au sein du Clan. Les autres félins ne le savaient pas eux. Ils ne se rendaient compte de rien. Ils étaient persuadés que, parce qu'ils avaient des amis et une âme sœur, ils avaient une quelconque importance. C'était faux. Tout n'était que fiction. Rien n'avait d'importance.

Les pensées du chat étaient plus que confuses, et cela se voyait. Une souris aveugle l'aurait remarqué. Ses oreilles qui bougeaient dans tous les sens, ses muscles qui tressaillaient et sa queue qui battait l'air. Autant de signes qui ne trompent pas. Cependant le guerrier tentait de garder la tête droite au cas ou il croiserait quelqu'un, même si c'était fort peu probable. Il tenait a rester fier en toute circonstance. Pourtant il n'en avait pas envie. Comme souvent il était pris d'une crise de dépression. Ces crises lui donnaient envie de se rouler en boule dans la paille de la ferme et de ne plus bouger. Et ces crises étaient souvent entrecoupées par d'autres crises, d'un autre genre. Crises de colère, parfois même de démence. Il était instable, il le savait. Alors il le cachait et partait de son Camp quand ils les sentaient venir. Car une période de dépression ne venait jamais seule. Il tourna la tête dans tous les sens. Il lui semblait qu'un autre chat était là. Pourtant il ne sentait rien. Sa queue battit ses flancs pour la énième fois. Pendant un instant il se demanda :"-Et si il y avait quelqu'un ?" Mais il secoua la tête, comme si une nuée de mouches venaient l'embêter, puis il murmura :"-Tu te fais des idées mon vieux.." Et c'est tête basse et oreilles rabattues qu'il se dirigea vers la grange de la ferme pour faire un gros somme dans la paille, au milieu de milles odeurs et couinements de rongeurs affamés.

Lorsqu'il sortit de la grange, il se rendit compte que le soleil était à son zénith. Lui qui était partie tôt ce matin pour avoir pleins de temps devant lui ! Et voilà qu'il roupillait jusqu'à midi ! Il sentit l'agacement pointer timidement son sale museau. Cependant il n'essaya pas de le repousser. Se serait pire si il faisait cela. Il donna donc un coup de patte allègre dans une feuille morte qui ne lui avait strictement rien demandé. En même temps il valait mieux donner un coup de patte à un truc jaunâtre et desséché plutôt qu'à un félin de son Clan. Soudain l'odeur du Clan du Tonnerre le saisit à la gorge. "- Par le Clan des Etoiles, ronchonna-t'il,Quand est-ce que ces bouffeurs de souris se mettront-ils a nettoyer leurs pelages pour tenter de rendre leur sale odeur moins agressive pour le nez des autres félins de la forêt ? Avant de se mettre a chercher l'origine de cette "sale odeur". Cette dernière lui paraissait vaguement familière, cependant, et ce sans qu'il sache pourquoi, elle ne lui rappelait pas du tout de bons souvenirs. Ils lui paraissaient même assez mauvais. Et puis il finit par la voir. La guerrière du Clan du Tonnerre l'avait-elle vu ou senti ? Il n'en savait rien. -Mélancolie du Passé, maugréa-t'il avant de s'avancer vers la jeune chatte.
Il se dressa devant elle comme un serpent se dresse devant un mulot. Parfaitement détendu et tout à fait méprisant, il ne montra pas le moindre signe de la colère qui lui brûlait les entrailles. Parfaitement hautain il lança, méprisant et ironique :- Mélancolie du Passé..Quelle bonne surprise..Je croyais que je n'aurais plus à te voir.."