Tel la nature qui se dégrade après une saison des feuilles vertes particulièrement chaude et joyeuse, Chant du Matin semblait lier à la forêt par ses sentiments. Son expression monotone reflétait bien ce ciel monochrome au-dessus de sa tête et ses yeux autrefois bleu vif, baignait d'une épaisse brume grise rappelant les nuages chargés de pluie, mais pour lui, ce devait être des larmes. Depuis plusieurs jours, le rouquin se sentait seul et eu lieu de rechercher de la compagnie, il préférait s'isoler dans ce même coin boueux du camp. Ses pattes maculés de terre se glissait à tous les matins dans ses traces de la veille, rester dans la boue grâce au gel débutant. Le guerrier se positionnait là, près de la tanière des guerriers et y restait une bonne partie de la journée, noyé dans une tristesse inquiétante. Seul Esprit des Songes, son frère adoptif, vint le trouver en cette matinée glaciale. Au-dessus d'eux, le ciel menaçait de laisser tomber une pluie battante qui pourrait très bien se cristalliser sous leurs regards ébahis, mais rien ne se déversa sur eux. Le guerrier ardoise s'approcha du rouquin, qu'il héla chaleureusement afin de lui remonter un peu le morale.

« - Bonjour Chant du Matin ! Une partie de chasse, juste nous deux, ça t'intéresse ? » proposa Esprit des Songes.

Profondément plongé dans ses pensées les plus sombre tel un gouffre abyssal, Chant du Matin mit du temps à réagir. Il leva son unique patte blanche qui avait commencée à s'enraciner dans la boue durcie avec peine, puis se levant d'un bond peu enthousiasme qui aurait fait douter n'importe quel chat sauf Esprit des Songes, le rouquin prit les devant.

« - Je connais un endroit giboyeux à souhait près de la rivière. C'est infesté de mulots bien gras. Je l'ai découvert avec Danse du Soleil lors de notre dernière partie de chasse... » Qui remonte à des lunes... pensa aussitôt le guerrier en perdant subitement le peu d'énergie positive qu'il lui restait.

Ce nom semblait le hanter nuit et jour, sans jamais lui laisser une once de repos. Chaque fois, l'image gracieuse de la guerrière rousse lui apparaissait, trop réelle, trop envoûtante, trop exquise pour qu'il y renonce. Son cœur lui criait depuis longtemps que ses battements n'étaient que pour elle, mais incapable de subir une nouvelle humiliation, Chant du Matin préférait se taire à jamais et souffrir en silence.

Le clan avant tout. Ce n'est pas seulement une loi du Code du Guerrier, c'est également le principe fondamental sur lequel Chant du Matin construit son existence, car il sait qu'il n'est pas le seul à rencontrer des embuches dans la vie et qu'il serait hautement égoïste de mettre ses propres intérêts en priorité devant ceux de son clan. Jour après jour, le rouquin terre la vérité au plus profond de son cœur et porte comme un fardeau, le masque de ses mensonges ; son sourire est amer, ses larmes invisibles, il perd goût à la vie, mais tente vainement de démontrer sa droiture en gardant la tête haute. Pas facile de dissimuler un problème quand on n'exprime plus que l'ombre de sois-même. Chant du Matin a été nommé ainsi en mémoire de son paternel, mais aussi pour sa gaité et sa joie de vivre exceptionnel qui emplissait autrefois le cœur de ses compères. Aujourd'hui, c'est plutôt lui qui aurait besoin d'une bonne étoile, d'un être conciliant qui lui remonterait le moral et le sortirait de son sentiment angoissant de solitude. Pourtant, Chant du Matin n'est pas seul. Il le sait ; il l'entend. Les bruits de pas du mâle ardoise derrière-lui ne sont pas dû à son manque de sommeil, ça non. Le guerrier se trouve réellement là, à le suivre, mais vers où ? Le rouquin semble avoir oublié. Il s'arrête donc, détournant les yeux de son objectif inconnu pour regarder ne serais-ce qu'un instant en arrière. Esprit des Songes, surprit, relève légèrement la tête, croisant de son regard bleu-argenté celui aigue-marine du rouquin, puis miaule :

« - Ne t'en fait pas pour Danse du Soleil, garde espoir parce que la patience est une vertu et même si s'est dur à croire, la vie peut te récompenser. »

À l'évocation de la guerrière, le but du matou lui revint à l'esprit, mais les paroles emplit de sagesse de son frère adoptif ne passèrent pas inaperçu. Chant du Matin affichait de nouveau cet air songeur qui le rendait presque insociable, aussi froid qu'un mort. Il a beau parler, il ne peut pas comprendre, lui qui ne manque de rien, il a déjà tout ce qu'il peux désirer ; une famille, une compagne... pensa le rouquin en fixant ses pattes avec dégout. C'est injuste ! pesta t-il en reprenant la route vers la rivière.

« - On est bientôt arrivé. » se reprit-il plus gaiement à l'intention de son ami avant d'augmenter l'allure.

Sans réponse, Esprit des Songes le suivit. Heureusement, le guerrier ardoise ne se doutait pas des pensées sombres du rouquin. Ils filèrent dans la forêt tel deux poissons argentés dans la rivière qu'ils rejoignirent rapidement. Chant du Matin aperçut les bosquets d'arbrisseaux grouillant de mulot et voulut en informer Esprit des Songes, mais en se retournant pour s'adresser à lui, le matou ardoise avait disparu.

« - Esprit des Songes ? » l'appela Chant du Matin.

Un long silence lui répondit suivit par le souffle du vent et le craquement des branches au-dessus de sa tête. Le rouquin sentit la peur de la solitude l'envahir. Ses pattes se mirent à trembler. Soudainement, le temps se figea, une volute blanche se formait devant son museau et sa gueule à chacune de ses respirations. Chant du Matin était apeuré, il paniquait littéralement comme un chaton. Et s'il est parti parce que je suis jaloux de lui, de sa vie, de son bonheur... S'il m'en veut ? Esprit des Songes, non... Pardonne-moi... Je t'en supplie, reviens. Ne m'abandonne pas... priait le guerrier, yeux clos et mâchoire serrée. Il prit du temps à se ressaisir, à se remettre sur patte et décider de partir à la recherche de son frère de cœur, mais quand il le fit ; plus rien ne pourrait l'arrêter. Chant du Matin passa la matinée à fouiller les environs du dernier emplacement où il avait vu Esprit des Songes pour la dernière fois. Dans sa panique, il omit un minuscule détail qui l'aurait conduit droit à son ami pour retourner au camp chercher de l'aide. L'odeur du Clan de l'Ombre...

 Un guerrier était venu me sauver. Il ne portait aucune odeur familière juste un fort fumet de poisson. Nous avions atterris de l'autre côté du cour d'eau, dans la poussière. Son corps semblait me protéger. Comme le faisait ma mère quand nous étions tout petits. Il fixais mes yeux bleus une lueur inquiète dans les siens.

-Tu vas bien ? me demanda t-il inquiet

Après se terrible accident, j'avais tellement peur. Je ne pourrais plus jamais m'approcher de la rivière sans l'oublier. J'étais traumatisée. Le guerrier ne me faisais pas vraiment peur. Après m'avoir sauver, il ne me chasserait pas de son territoire. Et si j'avais tore ? Et si il m’emmenait devant son chef dans son clan ? Je ne reverrais jamais mon frère et ma sœur. Je ne m'était jamais posé autant de questions. Je n'avais jamais eu aussi peur de ma vie. Je grelottais. Le guerrier cendré passa sa très longue queue sur mon dos pour essayer de me rassurer. Quand je vis le corps du guerrier, une lueur amusée passa dans mes prunelles bleu-argent. Une couverture de feuille le recouvrait avec de la poussière. Il avait drôle allure ! Un petit gloussement sortis de la gueule du guerrier. Il souriait légèrement. J'avais l'impression d'être en sécurité avec lui. Il se releva. Comme il est grand ! Le guerrier cendré enleva les déchets de la nature de son corps puis me demanda :
-Quel est ton nom ?

J'hésitais à répondre. Est-ce bien prudent ? J'avais l'impression de ne plus pouvoir ouvrir la gueule. Mais le ton apaisant du guerrier me convins.

-Oui ça va mieux. Je m'appelle Petite Aube.

Et lui ? Je ne connais pas son nom.

-Et toi quel est le tien ? De quel clan viens-tu ?

J'attendais patiemment sa réponse tout en regardant les alentours. On n'entendait que le bourdonnement de la rivière. Des roseaux étaient postés au bord. C'était magnifique.

Le guerrier cendré ricana. Je le regardais confuse. Pourquoi ricane-t-il ? J'ai dit quelque chose de mal ? Il dit soudain d'un petit sourire narquois:

-Fille d'Étoile de Lune... C'est fou à quel point tes yeux me font penser à ceux de ta mère.

Mais comment le sait-il ?! Va-t-il vraiment me ramener au camp ? Je pris un air surpris.

-Je m'appelle Esprit des Songes , Guerrier du Clan de la Rivière continua t-il.

C'est pour ça qu'il sent le poisson. Quelle odeur ! Beurk ! Il semblait aussi se poser une tonne de questions. Il revint à la réalité après un moment de silence il dit d'un ton dur:

- Dit-moi Petite Aube , qu'est-ce que tu fais ici ? Tu es consciente que c'est dangereux ce que tu viens de faire? Tu aurais pu te faire attaquer par n'importe quel bestiole et que au moment ou ton clan va se rendre compte que tu n'es plus là , tu imagines leur réaction? Tu as de la chance d'être encore en vie

De quel droit se permet-il de me gronder ? Qu'est-ce que ça lui fait si je sors du camp ? N'a t-il jamais fait ça en tant que chaton ? Et puis je suis assez grande pour me défendre si une bête m'attaque ! En fait il avait raison, mes seuls adversaires étaient mon frères et ma sœur. Soudain je pris conscience que le guerrier n'était pas aussi gentil qu'il m'avais paru tout à l'heure. Ses paroles me vexèrent tellement que ma lèvre en tremblait. Puis mes yeux se remplirent d'eau et une larme tomba. En réalité j'avais peur. J'avais peur de ce qu'il allait faire, de ce que ma mère allait dire. Elle avait beau être ma mère, elle était quand même ma meneuse. Peut être qu'elle retarderait mon baptême d'apprentis. Ou pire qu'elle nome mon frère et ma sœur et pas moi !

-Shhhhh... Non , ne pleure pas, me dit le guerrier pour me calmer. Son ton était doux.

Je suis désolé , j'y ai été un peu fort , c'est juste que j'arrive pas à croire que tu ais traversé tout ce chemin sans tomber sur une bête et c'est dangereux. ajouta t-il.

Il semblait réfléchir. Que pouvait-il se demander ? Qu'est-ce qu'il allait faire de moi ? C'est simple s'il touche à une de mes griffes il serait mal. S'en prendrait-il à un chaton ? Non. Ses yeux étaient remplis d’inquiétude. Pourquoi était-il si inquiet ? C'est moi qui devrait m'inquiéter autant ! Moi qui allait être puni en rentrant. Pas lui.

-Écoute , tu dois partir , à cette heure-là , ton clan doit déjà être entrain de te chercher, mais une chose est sûr , il n'est pas question que tu partes seul donc je vais te raccompagner jusqu'à ton camp. dit-il d'un ton où perçait l'inquiétude.

-Mais tu ne peux pas aller sur mon territoire ! Cela va à l'encontre du code du guerrier ! m'écriais-je.

Le guerrier ne m'entendis peut être pas. Sinon il n'en montra rien. Il continua sa route et m'attendis. Il me fit un signe de queue pour que je vienne. Je ne sentais plus mes pattes. Parviendrais-je à marcher jusqu'à mon camp ?