Assis en haut de la butte des Quatre Chênes, je restais pensif. Que suis je en train de faire ? De pactiser avec un ennemi ? De me trouver des raisons d'être critiqué en tant que chef, en tant que guerrier ? Je ne pouvais répondre à toutes ces questions, qui se résumaient en une seule : Pourquoi suis-je venu ici, au lieu de dormir ? La nuit était tombée depuis longtemps, et je n'étais pas dans ma tanière. Pourquoi suis-je venu aujourd'hui, cette nuit là, particulièrement ?
Il y avait bien longtemps que j'avais raccompagné Fleur à lisière de notre territoire, un quart de lune. Je lui avais promis de revenir aux Quatre Chênes, en sachant à ce moment là que je n'allais pas y aller. Je n'allais pas trahir le Code du Guerrier. Néanmoins, me voilà ici. J'avais l'impression que mon corps se mouvait sans mon contrôle, que pour une fois, je ne contrôlais plus ce que je voulais faire, et cette impression me déplaisait. Je montrais les dents à la nuit, impuissant. Je ne savais pas ce qui me faisait aller vers cette femelle, mais j'allais vite régler cette histoire. A ce moment, je me promettais que ce rendez vous stupide allait être le dernier, mais une toute petite partie de moi n'était pas convaincue de ces paroles.
Rampant à terre, pour me faire tout petit, je descendais rapidement vers les arbres sacrés. J'avais de la chance d'avoir un pelage noir, personne ne me verra, pas même une patrouille du Clan de l'Ombre ! Si elle non plus ne me voyait pas, je crois que je n'y verrais pas d'inconvénient non plus.
Je scrutais la nuit. La lune n'était pas pleine, ce qui donnait un éclat sinistre à cet endroit pourtant sacré. Était-ce un sacrilège de réunir des chats aux Quatre Chênes hors de la pleine lune ? Certes, j'avais déjà rencontré Étoile de la Rose il y a bien longtemps aux Quatre Chênes, mais c'était en plein jour et je ne l'avais pas pensé, c'était arrivé. Là, c'était voulu, je n'allais pas aux Quatre Chênes pour chasser parmi les buissons !
Je passais à coté du Grand Rocher en hésitant. Si je passais de ce coté, la lune frappera mon pelage et n'importe quel matou borgne du Clan du Tonnerre pourra me voir. Néanmoins je fus rassuré lorsque je sentis l'odeur de Fleur sur le coté assombri du Grand Rocher. Enfin rassuré, j'avais l'impression de partir au combat. Qu'allais-je faire une fois avec elle ? Et qu'elles seront les conséquences de cette acte ? A partir de ce moment, j'avais vraiment la sensation de faire quelque chose d'interdit.
Résolu, je m'assis et je plantais mes griffes dans le sol. Je ne bougerais pas de là. Elle m'avait vu, ou au moins senti. Et si elle n'avait fait ni l'un ni l'autre, tant pis pour elle ! Je n'avais rien à faire avec un chat incapable de sentir ce qui ne se trouve pas sous sa truffe ! Si elle voulait vraiment me voir, elle n'avait qu'à faire le premier pas. Je ne le ferais pas, assurément.