Je m'étais levée de bonne heure, ce matin, pour pouvoir profiter du lever du soleil. La clairière était encore déserte lorsque je l'avais traversée pour rejoindre la frontière du clan du tonnerre; la rivière. Les premiers rayons du soleil se reflétaient dans les eaux limpides du cours d'eau. L'écume se brisait sur les berges quelque peu rocailleuse, et j'admirais le panorama. Le soleil apparaissait derrière les collines verdoyantes pour venir caresser notre territoire avec douceur. C'était d'une beauté inavouable. J'aimais assister à ce moment silencieux et religieux; le creux d'une nouvelle journée, d'une nouvelle histoire à écrire au fil de mes pas. Les environs se réveillait peu à peu, lentement, émergeant de son sommeil.
Alors que je croyais être bel et bien seule en ces lieux, j'entendis un bruissement de l'autre côté de la rive. Je me raidis, alors que j'étais auparavant si détendue et sereine. Je me levai d'un bond en sentant l'odeur du clan du tonnerre, prête à défendre nos frontière avec hargne, bien que j'étais parfaitement seule. Mes sens de guerrier prirent le relais, et je retenais mon souffle en attendant mon éventuel adversaire.
Le petite museau d'un chaton perça les feuilles du bosquet, et Patte de Papillon débarqua devant moi. Je me mis à humer l'air, en quête d'autres membres du clan ennemi, mais aucune effluve ne vint troubler l'air ambiant, mise à part nos présences, à la petite et à moi. Je scrutais cependant Patte de Papillon avec prudence. Alors que j'allais ouvrir la gueule pour lui demander ce qu'elle fabriquait ici, le chaton me devança d'un air insouciant, parlant fort:

" Salut, ça va ? "

" Beaucoup moins bien depuis quelques minutes, à vrai dire... Que fais-tu ici? Ne sais-tu pas que c'est dangereux pour toi, de t'aventurer hors du camp?  " rétorquai-je.

Malgré toute mes intentions autoritaires dans ma voix, on pouvait sentir une pointe de douceur. Peu importe que Patte de Papillon soit un chaton du clan du tonnerre; elle restait un chaton sans défense. Et je me devais de la protéger, de la ramener dans son camp s'il le fallait. Je traversai la rivière grâce à quelques rochers qui bravaient le courant, immobiles et bien visibles. Une fois de l'autre côté, je me penchai sur le chaton en attendant une réponse. J'étais encore sur mon territoire, mais elle était à la limite même de la frontière.
Je voulais lui poser une nouvelle question, la guettant d'un regard maternel, mais une autre présence me fit me redresser, à l'affût. Une guerrière du clan du tonnerre débarqua à son tour près des rochers du soleil. Je fronçai mon museau, un peu moins douce et sans défense qu'avec Patte de Papillon, me redressant face à Tempête de Sable. Je ne la toisais pas, mais la considérais d'un regard empreint de questions, et insistant.
J'avais, bien sûr, murmuré à Patte de Papillon de retourner à son camp, mais je m'apprêtais également à l'accompagner. Les poils de mon échine se hérissèrent très légèrement, car j'étais mécontente que Tempête de Sable n'eut pas daigné m'adresser un seul regard, ni me saluer, comme une vulgaire chose. Alors qu'elle s'éloignait avec le chaton, je la hélai d'une voix où transparaissait mon étonnement, mais aussi mon irritation:

" Tempête de Sable? Revient donc ici, tu avais presque dépassé la frontière, j'ai le droit de te poser quelques questions, 'n'est-ce pas? Comment est arrivé ce chaton jusqu'ici? " demandai-je, en me radoucissant.