Assise proche du grand saule, j'observais le ciel étoilé qui m'avait toujours impressionné. Toutes ces étoiles étaient un réel mystère pour moi, je les regardais souvent et pourtant, je n'avais pas l'impression d'en connaitre plus sur elles. Je remarquais que certaines brillaient plus que d'autres, ou encore qu'en les regroupant, elles formaient des silhouettes. Je me sentais si impuissante face à cet univers infini, toutes ces lumières qui semblaient me regarder et me juger. Est-ce bien le Clan des Étoiles ? Nos ancêtres qui veillent sur nous ? Je crachais. Pourquoi n'agissent-ils pas face à tous ces événements ? Pourquoi ne viennent-ils pas en aide à Chant du Matin et Patte d'Edelweiss - s'ils sont encore en vie ? J'avais la réponse à toutes ces questions : le Clan des Étoiles n'a jamais existé. Comment j'avais pu croire à ces légendes ? Je n'étais pourtant pas entièrement sûr et je connaissais quelqu'un qui pouvait me conseiller.
Je rentrais au camp qui semblait sans vie. J'imaginais les chatons jouer proche de la pouponnière, les apprentis et les guerriers occupés à toutes sortes de tâches ou encore les anciens trainant devant leur tanière. Je me sentis seule un instant, accompagnée du croassement d'une grenouille.

Je m'engouffrai dans la tanière du guérisseur en silence puis posai mon regard sur le félin endormi. Je le regardais un instant, songeuse. Je réalisais que je ne pouvais plus me passer de lui, je ne pouvais passer une journée sans le voir une seule fois. J'avais en réalité peur de le perdre une deuxième fois. Pourtant, il ne risquait rien ici - quoique les enlèvements des bipèdes m'inquiétaient. Ils étaient la cause de son enlèvement, je ne pouvais pas leur permettre de le faire une deuxième fois. Cependant, je le protégeais peut être un peu trop : je faisais en sorte qu'il ne sorte pas du camp, pour des remèdes ou pour d'autres raisons, en cherchant diverses excuses. Il était presque une priorité.
Je fronçais les sourcils. Non, il ne pouvait pas passer avant le clan, il fallait que j'arrête de le prendre pour un chaton sans défense. Mais... c'était plus fort que moi.

— Poisson du Nil ?

Le félin remua doucement dans sa litière, avant de replonger dans son sommeil. Je posai le museau contre sa joue puis murmurais son nom une seconde fois. Peut être devrais-je le laisser se reposer, et le voir demain. J'avais cependant une forte envie de lui parler, maintenant. Je secouais le félin un peu plus fort, espérant qu'il se réveille.

Je errais seul dans une lande brumeuse. Les aboiements des chiens résonnaient au loin. Je savais qu'ils étaient là, tout près de moi, sans que je ne puisse les voir. Ce rêve était pour moi un véritable cauchemar, une bride de mon passé qui refaisait constamment surface dans les pires moments. Je pouvais entendre leurs grosses pattes martelés le sol humide, leurs souffles rauques et leurs jappements fous sur mes talons, mais aussitôt que je me retournais pour tenter de les apercevoir, leurs visages restaient camouflés dans la brume épaisse. Je pouvais que courir, encore et encore, jusqu'à en perdre haleine. Mes compagnons d'évasion avaient tous été tués les uns après les autres et leurs cris d'agonies résonnaient encore à mes tympans. J'étais le seul survivant. Le dernier félin que ces clébards n'avaient pas encore attraper entre leurs puissantes mâchoires. Soudain, une voix rassurante m'appelait. J'aurais pût la reconnaître facilement entre milles. Je m'arrêtais subitement, les griffes plantés solidement dans l'herbe glissante. C'était Étoile de Nénuphar qui m'appelait doucement dans mon dos. Je fis aussitôt volte-face sans penser aux chiens et vlan ! Une large tête de molosse surgit hors de l'épais brouillard et me saisit entre ses grands crocs jaunes ...

Je me réveillais en sursaut, le pelage dressé sur presque la totalité de mon corps, les oreilles plaqués contre mon crâne et la gueule ouverte. C'était encore ce cauchemar qui me pourrissait la vie. Il m'empêchait de dormir et de récupérer, mais en plus il venait de me faire feuler sauvagement sur mon amie. Quel honte. Je repris peu à peu mes esprits, puis une fois remis de mes émotions, je me levai timidement les oreilles toujours couché sur le crâne et j'implorais sincèrement Étoile de Nénuphar de m'excuser pour cette impolitesse.

« - Oh Étoile de Nénuphar, c'est toi ! Pardonne mon impolitesse, je croyais que tu étais un de ces ... Non, laisse tomber. Que me vaut l'honneur de ta visite par une aussi belle soirée ? Tu es souffrante peut-être ? » demandais-je en tentant de changer de sujet et pour me rendre la tâche plus facile, je tournais autour de mon amie afin de m'assurer rapidement qu'elle n'ait rien de très grave.

À première vue, elle ne semblait rien avoir, mais peut-être que ses symptômes n'étaient pas visible à l'œil nu. Ils étaient interne comme une toux, de la fièvre, etc. Je sentis mon cœur se serrer dans ma poitrine. Et si elle tombait réellement malade et que ses maux dépassaient hautement mes capacités de guérisseur, déjà que je ne suis pas très expérimenté, et qu'elle en mourrait - que ferais-je sans elle à mes côtés, sans son support, sans ses yeux, sans sa voix, sans son odeur et sa chaleur ? Je mourrai probablement moi-aussi, à petit feu, en sombrant dans la folie du chagrin et de la nouvelle perte de mon amour. J'avais beau me répéter sans cesse que nous ne pouvions plus être ensemble dû à nos différents statuts et nos préoccupations, mon cœur refusait de l'oublier. Étoile de Nénuphar était comme le soleil de mes jours et la lune de mes nuits. Comme l'étoile polaire qui guide mes pas à travers les ténèbres. Je ne pouvais plus me passer d'elle. Je devais absolument la voir, de loin ou de près, à tous les jours sans une seule exception. Mais qu'en était-il pour elle ?

« - Je ne suis pas souffrante, ne t'inquiète pas pour ça. J'avais juste envie... d'être avec toi. » miaula la meneuse gris-bleu, ses yeux verts braqués dans les miens, anis-doré.

Elle partage mes sentiments ! Ô Clan des Étoiles, quel joie de l'apprendre ! À cet instant, j'étais sûr à mille sur cent d'être le mâle le plus heureux du monde et le puissant ronron qui s'échappait malencontreusement de ma gorge en témoignait. Je suis décidément fou d'elle. Je me serais bien jeté sur elle pour l'embrasser et sentir mon corps tout contre le sien, mais pour des raisons diplomatiques, ma conscience m'ordonnait de résister à la tentation. Et si on nous surprenait ensemble ? Ce serait la fin de tout, absolument tout entre nous.

« - Tu veux que l'on aille se balader au clair de lune, sous le ciel étoilé ? » demandais-je en m'étirant longuement les pattes sans courbé le dos. « - Ou tu préfères rester ici, dans mon antre, à la merci des regards indiscrets et des petits curieux du coin ? »