Le soleil foudroyait la lande et le camp aujourd'hui, même si la saison se finissait à grand pas. Je me réveillai tard, comme d'habitude, et sortis mollement de la tanière des guerriers, lustrant bien ma magnifique fourrure charbon de ma langue râpeuse. Tout de suite, je le dirigeai vers le tas de gibier, ou je pris un dodu lapin, que je dévora en me délectant du sang du gros rongeur. Finalement, j'eus presque trop de toute cette viande, et la proposai on ne peut plus gentiment à un autre guerrier, ou un apprenti, je ne sais plus. D'instinct, je sortis du camp sans dire un mot, évitant de loin la lieutenant pour ne pas avoir à faire aux patrouilles, et parti vers la Plaine Rocailleuse. Là-bas, je pourrai enfin être tranquille, et déguster un bain de soleil, comme à mon habitude. Je dévalais la Lande, attrapant une souris en cheminant, la tuant d'un coup de mes grandes canines. Elles était longues, mes canines... Et pointues surtout. J'en suis fier. Ces dents plus longues que la moyenne me donnait un air sadique, et cela va bien, puisque je le suis.

Une fois arrivée à la Plaine, je la scrutais et trouvai un pierre plate et bien chaude au toucher. Je m'y couchai en m'étalant de de tout mon long, et m'endormis. Je sentis un courant d'air chaud, tout à coup, tel une respiration, mais restai dans un sommeil profond et inébranlable.

Après plusieurs minutes de sommeil, mes paupières s'ouvrir, et je distinguai une forme rousse devant moi. Je me levai et reconnus Joli Ouragan, un guerrière, que je ne connaissais que très très mal, je ne lui parlais jamais. Je baillai en ouvrant largement la gueule, laissant apercevoir mes longues dents, et tournai mon regard doré vers la femelle.

« Tu... M'observais? »

Miaulais-je dans un grognement mêlé à un rictus.

Joli Ouragan ne cesse de se répéter continuellement la question. Cette interrogation même que lui pose le mâle ébène : pourquoi l'observe t-elle ainsi ? Joli Ouragan n'y comprend rien. A t-elle seulement une raison derrière ses agissements ou pas du tout ? Elle l'ignore. Il faut avouer que la guerrière au pelage roux ne sait pas grand chose. Pourtant, elle est loin d'être une pure idiote. Mais lorsqu'il s'agit de sentiments ou quelque chose qui s'y apparente, Joli Ouragan ne réfléchit plus et se laisse emporter facilement. Et justement, c'est ce qui semble se produire en ce moment avec Crocs Acérés car elle ne pense pas aux nombreuses conséquences de ses actes sur son avenir. Elle se contente de vivre l'instant présent, en ronronnant tel une catin qui appréhende son dû suite à une partie de plaisir.

Joli Ouragan prend la vie pour un jeu. Elle s'amuse à manipuler les sentiments des autres. Cependant, la rouquine ne se rend pas compte qu'elle ne fait que reproduire ce qui l'a blessé par le passé. C'est-à-dire, la soi-dîtes trahison de son géniteur envers sa mère.

Joli Ouragan vagabonde d'un mâle à l'autre sans jamais obtenir ce dont elle rêve ou du moins, ce que ces matous désirent. Elle se lasse rapidement et finit par les abandonner pour un autre jusqu'à ce qu'elle s'ennuie de nouveau et ainsi de suite... Mais cette fois-ci, Joli Ouragan ne sait pas quoi dire pour attirer Crocs Acérés dans sa toile. Elle ne fait que l'observer en silence, désireuse de le connaître davantage. Ce qui est plutôt rare chez elle.

« - Je... » miaule t-elle avec un peu moins d'assurance qu'auparavant. « - Je ne peux pas le dire avec certitude, mais... je crois bien qu'il y a quelque chose chez toi... qui pique ma curiosité. » avoue Joli Ouragan d'une voix tremblante. « - Je viens de réaliser que je ne connais pas la moitié de mon clan, toi y compris. Ce genre de pensée m'a perdue en cours de route, et me voilà ! »

Cette femelle m'intriguait, m'énervait et m'amusait à la fois. Je n'aime pas ces trois sentiments incompatibles. Du tout. Je frémis des moustaches, tournant un regard vide sur les côtés. Finalement, le fait qu'elle soit là allait égailler mon après-midi, car la lande était tellement vide que je n'aurais rien trouver à y faire... Si ce n'est déchiqueter un lapin ou un autre petit rongeur bien sanglant...

Quand enfin la rouquine me répondit, je redéposai mes yeux dans les siens. Je la fixais, tout simplement, et l'entendre bégayer légèrement me fit ricaner. Néanmoins, sa réponse m'étonna. Alors comme ça je l'intriguais aussi? Et bien... Mademoiselle veut plus me connaître?

« – Et c'est pour cette raison... Que tu me fixais? Parce que tu veux plus... Me connaître? Alors comme ça, je t'intéresse, petite rouquine?

Je m'étais levé lors de ma dernière phrase et commençai à marcher autour de Joli Ouragan, tout en déposant ma queue sur son dos lorsque je passais à sa gauche ou sa droite. Cette guerrière me paraissait plus... Avec plus d'assurance, disons, d'habitude. Lui ferais-je perdre ses moyens? En voilà un, de divertissement. J'étais d'humeur joyeuse, heureusement, sinon je l'aurais déjà remballé à sa simple vision lors de mon réveil.

Les paroles de Crocs Acérés parviennent aux oreilles de Joli Ouragan et éveillent en elle un soupçon d'amertume qui lui fait dressé les poils sur le dos. Elle ressent comme des milliers de fines griffes qui lui labourent le ventre et lui retournent les boyaux. Elle a également l'impression que sa fourrure brun-roux s'embrase sous l'effet de la honte. Mais qu'est-ce qui lui prend de tout avouer ainsi, alors que normalement, elle excelle aisément dans le domaine du mensonge ? Cela reste incompréhensible, et Crocs Acérés qui continue de se moquer d'elle et de jouer le jeu. Joli Ouragan n'est pas sotte. Elle le voit bien prendre avantage sur elle et ce comportement puéril l'agace au plus au point. Son joli visage se crispe, son pelage tigré se gonfle, et elle crache aussitôt au museau du matou :

« - Tu as mal interpréter mes mots... À moins que ce soit moi qui s'est très mal exprimé, mais cela ne change rien au fait que tu te trompes sur toute la ligne ! J'étais simplement perdu dans mes pensées... Sans arrières pensées... » gronde Joli Ouragan, sa voix normalement suave, brisée par la colère et le ressentiment. « - Tu ne comprends absolument rien Crocs Acérés... Même le Code du Guerrier, tu sembles facilement l'oublier. Je ne me souviens pas t'avoir vu faire un seul acte en faveur de notre clan, alors pourquoi je m'intéresserais en un mégalomane dans ton genre ? Le clan doit passer avant tout le reste. » ajoute Joli Ouragan, cette fois, d'un ton plus doux, mais surtout empreint de défi.

Je finis par m'arrêter devant elle, un regard méprisant et amusé. Je l'inspectais du regard, cherchant dans ses yeux ce qu'elle pensait, sûrement que du mauvais. Je ris légèrement, me rasseyant en la dévisageant, j'attendais une réponse de sa part, ne serait-ce que quelques mots. Je n'aimais pas ce silence. Qui ne dura pas bien longtemps. Je l'avais sûrement énervée...

« - Tu as mal interpréter mes mots... À moins que ce soit moi qui s'est très mal exprimé, mais cela ne change rien au fait que tu te trompes sur toute la ligne ! J'étais simplement perdu dans mes pensées... Sans arrières pensées...
Tu ne comprends absolument rien Crocs Acérés... Même le Code du Guerrier, tu sembles facilement l'oublier. Je ne me souviens pas t'avoir vu faire un seul acte en faveur de notre clan, alors pourquoi je m'intéresserais en un mégalomane dans ton genre ? Le clan doit passer avant tout le reste.»

Là, c'est elle qui m'avait énervé. Je ne fronçai le museau qu'un fragment de seconde, puis reprit un air normal, de marbre comme j'en avais tant l'habitude. Cependant, ce n'était qu'un masque et elle avait réussi à me toucher, tient donc...


« - Je n'ai fait que répété ce que tu m'as dit, mais avec d'autres mots... commençai-je, d'un ton plus froid, Je ne comprends rien tu dis? Soit. Je n'ai pas choisi mon Clan, ma famille, et je n'ai jamais aimé quelqu'un, je n'ai aucun compte à rendre. Je ne crois pas au Clan des Etoiles et je ne respecte pas le code du guerrier, je reste juste dans le Clan car je n'ai rien à faire, je n'ai personne avec qui parler ou partir pour devenir solitaire. Mais si je suis un tel mégalomane, pourquoi restes-tu là? Et toi-même, crois-tu au Clan des Etoiles? Quelles preuves as-tu de son existence? Tu n'es ni guérisseuse ni chef.»

J'avais commencé à parler doucement, mais ma voix s'était amplifiée au fur et à mesure que je parlais pour à la fin presque feuler. Mégalomane était bien choisi comme terme pour me définir, en effet.
Je reculai un peu pour me recoucher sur une pierre plate, la fixant toujours, mon visage encore de marbre mais mes yeux la fusillant.