Aujourd’hui, était le jour qui comptait le plus pour moi. C’était mon jour. Enfin, pas seulement. C’était aussi le jour des chatons de la chatte la plus respectable du Clan. Je veux bien sûr parler des petits d’Éclipse de Lune, notre ancienne meneuse.
Seulement, le baptême n’aurait lieu qu’à midi. Et comme notre chef m’avait mis au courant la veille, je trépignais d’impatience, presque autant que les futurs apprentis. Si bien que je n’avais pas réussi à dormir, et que je m’étais réveillé avant même que le soleil ne se lève.

J’ouvris donc les yeux, pas le moins du monde fatigué, et regardai autour de moi. Il faisait un noir partiel, la tanière était éclairée par un faible rayon de lune. Heureusement, mon regard nyctalope me permettait de voir les silhouettes de mes camarades endormis, si bien que, malgré ma légère maladresse, je réussis à sortir de la tanière sans que personne ne se fâche d’un réveil trop brusque. Lorsque je me retrouvai au milieu du cercle de pierres, je fus encore une fois surpris par la splendeur du ciel nocturne. Chaque esprit du Clan des Étoiles étincelait légèrement, même s’ils commençaient à disparaître les uns après les autres. Le croissant de lune brillait faiblement et m’éclairait de sa lueur blafarde. Mais le ciel s’éclaircissait au fur et à mesure. Pour moi, il était temps d’aller chasser. Même si les nuages noirs qui s’amoncelaient par-dessus le soleil n’auguraient rien de bon.

Je pris un crapaud en chasse, mais il m’échappa, à mon grand dam. Et alors que je traquais un campagnol, l’orage éclata. Une pluie battante se mit à tomber, le tonnerre grondait, des éclairs illuminaient le ciel de temps en temps. Bref, il n’y avait pas de quoi vous donner envie de chasser. Je rebroussai donc chemin, même si une pensée me torturait l’esprit : je revenais bredouille. Et je détestais ça. Mais de toute façon, il fallait être fou pour rester dehors par un temps pareil, qu’on soit un chat ou une proie. C’est pourquoi je rentrais au camp le cœur plutôt léger ; j’avais une excuse, celle du mauvais temps. Et puis de toute façon, c’était déjà bien que je sois sorti alors que le soleil n’était même pas levé.

En tout cas, pendant mon absence, le camp s’était réveillé, les patrouilles étaient parties, les chats se massaient. Et le soleil montait doucement. Dans peu de temps, il serait l’heure. L’heure d’assurer la descendance.
Je ne tenais pas en place. Alors, j’allais vérifier que les reines allaient bien, je surveillais les chatons, je jouais avec eux aussi. J’étais même allé voir si les anciens ne manquaient de rien. Ces derniers avaient d’ailleurs été plutôt surpris. Mais au moins, je me rendais utile, et j’étais sûr de ne pas manquer l’heure H. Et surtout, le temps passait relativement vite.

D’ailleurs, après quelques temps, j’entendis l’appel significatif. Celui que j’attendais depuis la veille au soir. Celui de notre chef, celui qui annonçait ma gloire. Oui, bon, je m’emballais peut-être un peu trop. Mais comprenez-moi ! C’était mon tout premier apprenti que j’allais avoir, alors j’étais tout excité ! Et j’avais un peu peur de faire des bêtises, aussi. J’avais peur de ne pas savoir comment m’y prendre avec mon apprenti. D’ailleurs, je ne savais même pas comment réagir, au baptême. Bref, j’étais pressé, mais aussi terrifié.
J’espérais aussi que Petit Firmament ne serait pas un apprenti trop immature, sinon on risquerait de ne pas avancer. Surtout que j’avoue être moi-même un matou pas toujours très… adulte. Enfin, nous verrons bien comment tout cela se passerait. Après tout, personne ne peut le savoir à l’avance, à part le Clan des Étoiles.

Je m’approchai donc du Roc du Clan, excité comme une puce. En fait, j’avais exactement le même comportement que les trois chatons, à peu de choses près.
Je regardai Petit Firmament. Il avait le même pelage blanc que moi, ce qui m’arrangeait beaucoup. Je pourrai lui enseigner mes techniques de chasse. Dès que tout le monde fut réuni, Étoile de Feu-Follet prit la parole :

« Très bien. Donc à partir de ce jour, Petit Firmament, tu te nommeras désormais Nuage du Firmament. Pleine Lune, je te confie ce jeune apprenti en sachant que tu feras au mieux de tes connaissances pour lui apprendre nos lois et nos coutumes. »

Je contins au mieux mon impatience pour hocher doucement la tête d’un air calme. Étoile de Feu-Follet continua pour baptiser Petit Été et Petite Aube, qui devinrent respectivement Nuage Estival et Nuage de l’Aube avec pour mentors Lumière de Sang et Règne de la Mygale. Ce fut un instant plein d’émotion, pendant lequel nous scandâmes tous les nouveaux noms des apprentis. Ce moment était tellement important pour moi, et aussi pour eux ! C’était le moment pour nous de faire nos preuves, moi en tant que mentor et eux en tant qu’apprentis. Lorsque ce fut fini, je m’approchai de mon tout nouvel apprenti. Je croisai son regard… Non, en fait je ne croisai pas son regard, puisqu’il avait les yeux fermés. Je lui donnai une pichenette du bout de la queue et dis :

« Allez hop, on se réveille, c’est pas le moment de dormir ! Tu ne veux pas faire ton premier entraînement ? »

Je sentis que ma proposition avait fait mouche, car l’intéressé ouvrit les yeux. Il semblait avoir soif d’apprendre, tout en étant plutôt calme. Bien, ça m’arrangeait… Car pour l'entraînement d'aujourd'hui, j'avais besoin qu'il soit très attentif et qu'il ne se perde pas. Et surtout, il fallait qu'il mémorise bien les frontières. Je n'avais pas envie que mon premier apprenti risque de se retrouver par erreur sur le territoire d'un autre Clan ; ce serait honteux pour lui et moi, mais aussi, si ça se savait à une Assemblée, pour notre meneur et notre Clan !

[Je précise que ce rp se déroule juste après le baptême, mais il est quand même privé à Firma et moi]

Nuage du Firmament se réveilla enfin et me jaugea, impressionné. Je me retins de bomber le poitrail, fier. Et alors que j’étais en plein état de béatitude, il me demanda d’un ton méfiant mais presque suppliant :

« Est ce que je peux juste aller prévenir mes sœurs que je pars avec toi... S'il te plait ? »

Quant à moi, je réfléchissais, pesant le pour et le contre. D’un côté, il fallait qu’il se détache un peu de ses sœurs, qu’il apprenne à travailler seul. Et de l’autre, c’était un peu tôt pour les séparer, et cela revenait à l’arracher de Nuage de l’Aube et Nuage Estival. Cela m’embêtait quand même de céder à tous ses caprices, mais… À contrecœur, je lui montrai ses sœurs d’un signe de tête tout en levant les yeux au ciel. Je lui montrais ainsi que cela me convenait mais que c’était un peu limite… Il ne sembla pas comprendre mon message caché puisque il rejoint ses sœurs d’un bond après un miaulement suraigu. Je soupirai, et lui criai :

« Dépêche-toi quand même, je t’attends à la sortie du camp ! »

Il n’avait pas l’air d’avoir entendu, mais tant pis. Comme je lui avais promis, je me dirigeai vers le tunnel de ronces. Je le vis dire quelque chose à ses sœurs, puis, en le voyant venir vers moi, je me retournai et commençai à avancer. Il me rejoint en courant. Je me retournai, et mon apprenti me dit d’un ton plein de respect et de reconnaissance :

« Merci Pleine Lune, c'était important pour moi... »

Je le vis me regarder avec insistance, penchant sa tête de côté. Et c’est alors que je compris… il attendait des instructions ! Zut, je n’y avais pas du tout réfléchi. Voyons voir… Je regardai le camp : ce que faisaient les autres, leurs occupations… en voyant les chats qui partaient en patrouille, j’imaginai Nuage du Firmament dans ces conditions. Et je me souvins : la première chose que faisaient les apprentis, c’était découvrir le territoire. Je lui annonçai donc avec entrain :

« Aujourd’hui, on va découvrir le territoire ! »

Je ne sus déchiffrer son expression : était-ce de la déception que je voyais dans son regard, ou de l’impatience ? Était-il dépité ou heureux ? Ces questions allaient me turlupiner, je le sentais. Je sortis du camp et arrivai dans la pinède, Nuage du Firmament sur mes talons. Et nous partons. Nous découvrons, exactement comme je l’avais prévu.

Tout ce que je souhaitais, c’était être un bon mentor. Seulement ça. Pour le moment, le reste, je m’en moquais. Je voulais seulement former correctement Nuage du Firmament. Qu’il devienne un bon guerrier. Pourquoi pas, un lieutenant ? Un chef ? Mais surtout : je voulais être fier de lui. Je voulais qu’il me fasse honneur. Je voulais qu’à la prochaine Assemblée, lorsqu’Étoile de Feu-Follet annoncerait que Nuage du Firmament était passé apprenti, je sois heureux. Et qu’à son baptême de guerrier, je sois content de lui. Que notre meneur dise que je l’ai bien entraîné. Sans oublier une autre pleine lune, où cette fois-ci qu’Étoile de Feu-Follet annonce que Nuage du Firmament était désormais un guerrier. C’était juste ça, mon souhait. Se réaliserait-il ? Et bien, je l’espérais. Il y avait intérêt. Sinon, un soir, je crierais au Clan des Étoiles : « Rendez-moi fier de mon apprenti ! » Peut-être qu’ils accepteraient. D’ailleurs, pouvaient-ils changer le passé ? Non, il ne me semblait pas. Mais alors comment ferais-je ? … Bien. Je n’avais donc qu’une seule chance. C’était parfait. Je ne la gâcherai pas.

[Désolée pour le dernier paragraphe, il n’a aucun sens x’D]

Nuage du Firmament et moi avancions sur le territoire. Mon apprenti semblait extrêmement concentré. Je crois qu’il essayait de retenir au mieux les odeurs ou les traces que nous voyons. Du moment qu’il retient bien les frontières, moi, ça m’allait ; mais je crois qu’il tenait beaucoup à repérer le fumet des animaux avec qui nous partagions la pinède, des proies, des plantes. Je dois avouer que je ne m’y connaissais pas beaucoup sur ces dernières, alors, je ne lui donnais que le nom des plus importantes : souci, pavot… Je me souvenais aussi de la consoude, car Bois de Hêtre m’en avait déjà administré après certaines batailles. Mais c’était tout. Je ne pouvais rien apprendre de plus à Nuage du Firmament. Du moins, pas sur les végétaux.

Nous finîmes par les marécages qui bordaient la pinède au milieu de laquelle se situait le camp. Nous n’étions pas loin du charnier, et de la frontière avec le Clan du Vent. Après avoir avancé un peu, je montrai à Nuage du Firmament cette dernière. Je lui dis de bien humer l’air, pour identifier et retenir au mieux l’odeur du Clan du Vent : la bruyère, le lapin et une impression de desséché. Et je lui montrai aussi le charnier. Ce dernier sembla dégoûter le novice. Je lui dis de faire bien attention aux écœurants objets laissés par les bipèdes çà et là, et lui expliquai que nous chassions parfois le rat en ce lieu.
Puis, nous fîmes demi-tour. Nous trouvions presque aux confins de notre territoire quand Nuage de Firmament renifla la racine d’un arbre et me demanda :

« Pleine Lune viens voir ce que j'ai senti, ça n'a rien à voir avec ce que tu m'appris je ne comprends pas... Ça empeste en plus ! »

Je me retournai brusquement, une lueur imperceptible d’inquiétude dans les yeux. Je ne voulais pas effrayer outre mesure mon apprenti… mais j’étais moi-même terrifié. J’avais un très mauvais pressentiment, tout à coup. Je m’approchai et repoussai le petit chat blanc d’un coup d’épaule qui fut plus violent que ce que je souhaitais, sous le coup de la peur. Il faut dire que j’étais angoissé à l’idée de croiser quelque chose, et que mon apprenti soit blessé. Je flairai la racine, et mes craintes se confirmèrent. Un renard. Je frissonnai, et, pour tenter de faire baisser la peur, je plongeai mon regard dans le ciel. Cela ne fonctionna pas. Le stress ne baissait pas. Nuage du Firmament me héla soudain :

« Allez hop, on se réveille, c’est pas le moment de rêver ! Tu ne veux plus m'entraîner ? »

Je le regardai, lâchai un petit rire, puis repris ma mine renfrognée. Il avait réussi à détendre l’atmosphère, c’était bien… seulement, il n’avait réussi à la détendre qu’une seconde à peine. Le problème du renard me tournait dans la tête. Je m’approchais à nouveau de l’arbre : peut-être avais-je rêvé ? Peut-être m’étais-je inquiété pour rien ? Je décidai d’informer tout de même mon apprenti de la situation ; il avait le droit de savoir.

« Ce… cette odeur, c’était celle d’un renard. Tu sais ce qu’est un renard pas vrai ? Alors tu sais le danger que ça représente. »

Sur ces mots, je humai à nouveau la racine. En fait, mon inquiétude était plus ou moins infondée. Disons qu’on sentait bel et bien un renard, mais que son odeur était éventée. Je sortis du territoire du Clan de l’Ombre, pour vérifier quelque chose. Je reniflai donc un bouquet de fougère. C’est bien ce que je pensais. Nous avions eu de la chance ; le renard était en fait parti. Il n’avait fait que passer. Nous pouvions donc continuer notre grande patrouille en toute quiétude. Mais d’abord, je retournai auprès de mon apprenti et le rassurai :

« En fait, la trace était trop éventée. Le renard est parti en dehors du territoire. »

Et nous nous remîmes en route. Nous n’allions pas tarder à rejoindre le camp. Et je pense que lorsque nous aurons terminé le circuit, le soleil ne serait pas encore couché. Il faudra donc que je prévoie une autre activité, à moins qu’on ne me dise le contraire. Enfin. Je verrai bien quand nous arriverons, et je demanderai à Nuage du Firmament.

Après avoir fini de faire le tour du territoire, nous rentrâmes au camp. Aussitôt sorti de la barrière de ronces, je dis à mon apprenti de rester là le temps que j’aille mon rapport à Étoile de Feu-Follet pour le renard, car, même s’il était parti, il pouvait revenir. Je lui proposai aussi de manger un morceau pendant que je faisais cela ; après tout, il devait avoir faim.

Quand je ressortis de la tanière de notre chef, Nuage du Firmament m’attendait déjà devant la sortie du camp, et me demandait :

« Que veux-tu que je fasse maintenant ? »

Je me figeai. Je redoutais ce moment. Je voulais partir sur de bonnes bases avec lui et je savais très bien ce que je comptais lui faire faire, mais cela risquait de ne pas lui plaire… Alors j’attendis un peu, répétant dans ma tête les mots que je dirais. Un instant avant que je brise le silence, mon apprenti me prit de court :

« Tu sais Pleine Lune, si je suis ton apprenti c'est pour t'écouter et t'obéir. C'est toi qui décide et je sais que même si je ne suis pas content c'est comme ça. Alors tu peux me parler librement... J'aimerais qu'on se fasse confiance et qu'on s'entende bien... »

À nouveau, je fus surpris. Et puis je hochai doucement la tête. Il n’y avait aucun problème de mon côté ; j’avais simplement mal compris le novice. Mais maintenant, c’était bon. Je dis donc, avec beaucoup plus d’assurance et une touche d’humour :

« Alors, si je peux être sûr que tu vas m’obéir, je peux t’envoyer chercher de la litière sans remords, c’est bien ça ? Pour ne pas qu’il ait de trop mauvais souvenirs de sa première journée d’entraînement, j’ajoutai : Tu sais, quand tu la récolteras, tu t’entraîneras aussi à labourer ton ennemi. Et quand tu la ramèneras au camp, tu t’exerceras à ramener une proie sans la faire tomber. »

J’étais sûr que, vu comme cela, ça lui plairait beaucoup plus.

[Pourrais-tu éviter de jouer mon personnage, s’il te plait ? Je sais que c’est tentant, mais ce n’est pas très agréable de ne pas pouvoir décider de sa réaction…]

Alors que je terminais de lui expliquer ce qu’il devait faire, Nuage de Firmament se retourna et fila, sans que je ne le lui dise. Je réfléchis rapidement : que faire ? Le gronder ? Rire ? Je me demandais quels étaient les meilleurs professeurs, entre ceux qui criaient, et ceux qui restaient calmes.
Je décidai finalement de faire ce qui ME paraissait juste, et pas d’essayer d’imiter un quelconque guerrier. Alors que le petit chat au pelage duveteux s’engageait dans le tunnel de ronces, je me mis à courir pour le rattraper. À quelques pas de ses blanches pattes, je lançai :

« Ho, le petit aventurier ! Il faut d’abord que je te montre comment faire, pour que tu ne ramènes pas de la mousse pleine de terre ! »

Sur ces mots, je le dépassai, et filai vers la forêt, à la recherche des arbres les plus moussus. Je savais qu’il y en avait non loin du grand sycomore. Je me retournai pour vérifier que mon apprenti me suivait bien. Mais quand je portai mon regard vers l’arrière, il n’y avait nulle trace du novice blanc ! Que faisait-il encore ? Grommelant, je rebroussai chemin, vers le camp. Je vis alors Nuage de Firmament, qui marchait. Une expression à mi-chemin entre le sourire espiègle et le rictus fâché aux lèvres, je miaulai :

« Ne sois pas à la traîne ! Je remarquai alors qu’il traînait ses pattes et proposai, compatissant : Tu es fatigué ? Tu veux rentrer maintenant, ou tu te sens prêt à travailler encore ? »

J’espérais ne pas avoir surmené mon apprenti. Il faut dire que j’avais oublié une chose : c’était la première journée où il mettait les pattes en dehors du camp, et n’avait que six lunes. Je me sentis alors coupable. En réalité, et même s’il n’apprécierait pas que je le lui dise, Nuage du Firmament était encore un chaton, et je devais tout de même le ménager.
Bien, je le saurai, désormais.