« ... I am dead. »

Encore. Toujours. Tu cours dans les bois, parmi les arbres, rattrapés par ces fumées âcres. Ton museau te brûle, tes sens s'étiolent. Tu deviens petit à petit aveugle, la brume te brûle les pupilles, t'assèche le cœur et s'éprend de ton âme qu'elle enveloppe. Tu veut hurler, mais tu ne sais plus donner de la voix. La brume a tout pris. Puis le sol s'ouvre sous tes pattes, comme une gueule béante sans crocs, ronde et lisse. Tu entends un cri, tu bascule au ralenti et bat inutilement des pattes. C'est trop tard, te voilà aspiré par la Terre elle même, amante de la Lune. Elle a pris ton corps, ton âme et ta foi. Elle s'est éprise de toi, être futile. Tu disparais.

Respire. Contact. La mort ne viendra pas te chercher ce matin. Tu te dresse plus rapidement que d'habitude, c'est presque une routine maintenant. Une routine terrifiante. T'es incapable de contrôler ces rêves atroces. Tu sors de la tanière des guerriers, sors du campement. Le jour épouse la surface du monde. Pour une fois, il ne fait pas trop nuit. Tu soupire et décide d'aller marcher un peu pour faire passer le sentiment d'être encore entrain de rêver. Au moins, tu es un peu rassuré par le jour. Il n'y a pas de brume, le vent des landes l'a chassée. Aucun risque d'être happé par la Terre. Tu sais ce qui provoque ces cauchemars pas vrai ? Oui, au fond de toi tu le sais. Elle te ronge le cœur, elle te poursuivra toujours et tu ne peux pas y remédier. Tu dois vivre avec elle. Comme de vieux compagnons que la mort séparera un jour.

Tu décide d'aller vers les quatre chênes. La route ne sera pas longue, toute en descente. En a peine une heure, t'y voilà. Tu ne sais pas trop si tu es autorisé à te trouver là mais... Tant pis. Tu vagabonde entre les arbres, puis après de longue minutes, tu parviens à la conclusion suivante: tu as soif. Ah, mais quel esprit. Au moins, tu sais ce que tu veux dans l'instant. Tu passe de l'autre côté des arbres ancestraux, te dirigeant vers l'orée de la forêt des chats qui te repoussent le plus sur cette Terre: les chats du Clan du Tonnerre.

Oh non, tu ne peux pas les supporter. Ils ont toujours l'air si pédant. Ils doivent se croire éluent de leurs ancêtres. Aucunement spéciaux, tout à fait classiques, ni spécialement rapides, agiles, bons nageurs, doués au combat... Et cette arrogance ! Et puis, tu ne sais comment ils font pour vivre sous les arbres. Le soleil ne doit pas souvent les atteindre... Néanmoins, tu ne peux leur retirer la brochette de jolies guerrières dont ils sont affublés. Enfin, des guerrières séduisantes, il y en a une tripotée dans chaque clan: comme les Ombreuses doivent être féroces ! Mais aucune ne saurait valoir celles de ton Clan. Minces, agiles, futées... Très loin de ces femelles des chatons qui vivent dans cette forêt là.

Perdu dans tes pensées, tu passe les premiers arbres de la forêt, t'arrête sur la frontière marquée des chats qui vivent là, puis te penche sur une flaque. Parfait. Tu contemple ensuite les arbres, qui s'agitent doucement sous la brise. Alors te reviennent les images de la brume tueuse, empoisonnée. Tu manque d'air, soudain. Il te faut quelques minutes pour te calmer, pour te rendre compte à quel point tu es tristement pathétique. Une véritable coquille vide. Rends toi à l'évidence: tu parait peut-être fort de l'extérieur, mais tu es mort à l'intérieur.  

« ... I am dead. »

Il y a fort à parier que si tu n'avais pas la tête penchée sur cette flaque, tu aurait entendu l'ennemie te foncer dessus. Trop préoccupé à boire, tu ne te soucis plus de ce qu'il se passe autours de toi. T'es imprudent. Tu lève brusquement la tête lorsqu'elle entre dans ton champ de vision. Le temps semble se ralentir. Elle t'éclabousse de son pelage couvert de gouttes d'eau. Tu recule en écarquillant les yeux, surpris. Aucune hostilité dans ton regard. Simplement de la surprise, oui, une grande surprise. Tu pense qu'elle l'est aussi. Tu te contente de la fixer, gueule béa.

Une femelle presque aussi fine et aussi élégante que les félines de ton Clan. Tu pourrait croire qu'elle vient de chez toi. La toison dont elle est ornée n'est pas très épaisse. Parfaite pour courir à travers les vents, sur les landes. De grandes oreilles, oui, vraiment, cette femelle n'est trahie que par son odeur qui est celle de l'ennemi. Des chats que tu déteste, te rappelles-tu ? Tu refoule cette pensée et prend encore quelques instant pour contempler. Et ces yeux ! Ils sont vairons. Tu en est presque ému. Où a-t-elle volé ce regard si similaire au tient ? Deux yeux, l'un bleu, l'autre vert. Différent seulement de l'un des tient. Tu reviens sur le pelage. Cette couleur, plus claire que la couleur de ton propre pelage te fascine. T'es pas né dans les clans, mais si le ciel t'avait donné une sœur, tu es sûr qu'elle prendrait cette forme. Enfin, elle est peut-être un peu trop fine pour ça. Tu est beaucoup plus compact et imposant qu'elle, surtout au niveau des épaules. Soudain, sa jolie voix te tire de ta rêverie :

- Hum... bonjour, belle journée non ?

Oh. Le vilain matou que tu es reprend le dessus sur l'autre gentillet rêveur. Tu plisse les yeux, t'ébroue furieusement et gronde légèrement.

- Elle aurait pu commencer de meilleure façon, j'aurait pu finir ma journée sans avoir vu la tête de l'un des bouffeurs d'écureuil.

Tu es presque satisfait de ta répartie. Mais la petite voix de la gentillesse se plaint, au fond de ton cœur. Tu n'as pas envie de faire fuir la jolie femelle qui t'as fait oublier ton cauchemar de cette nuit. Tu soupire, décide d'accorder de l'importance à ce que veut la voix de la sagesse et lance alors :

- Excuse moi, je n'ai pas eu une nuit très facile. Comment tu t'appelles-tu ?

Imbécile, t'aurait pu être moins direct. Et puis, qu'est ce que tu fais là ? Tu discute avec une grimpeuse de la forêt ? Qu'importe. Tu es un peut trop curieux. Tu bat des paupières, reste sur le qui-vive.

HRP : Jour de Guerre miaule en #6699ff !   

« ... I am dead. »

Elle réagit, quand tu l'insulte elle et son Clan de "bouffeur d'écureuil". T'aurait fait de même. Tu as vu ses yeux changer, s'emplir de haine. Heureusement tu t'es vite rattrapé. Elle est fine, tu pourrait certainement la casser en deux. Mais cette taille si agile ferait des ravages race à ta brusquerie. Lorsque tu t'es excusé, la femelle a encore changé de regard. S'il est si facile de la faire changer d'avis, tu risque de t'amuser un peu. Tu hume l'air pour savoir si elle a été suivie par d'autres. C'est vrai quoi, ils pourraient te tendre une embuscade, t’emmener chez eux, te torturer pour obtenir des informations et puis tu pourrais être la cause d'une guerre. Mais quel prétentieux ! Ne te croit pas si indispensable. Tout le monde peut-être remplacé. Mais toi, tu t'efforce d'être indispensable. Comme tout à l'heure, la jolie voix de la féline te tire de ta rêverie :

- Je... ce... ce n'est rien... j'ai moi-même de mauvaises nuits souvent... et je le nomme Ombre de Lune. Et toi?

De mauvaises nuits hein. Rien de pire que les tiennes, tu en es sûr. Tu lève les yeux au ciel, t'approche lentement de la femelle, pas à pas, jusqu'à sentir la marque du Clan du Tonnerre. Là. Tu ne l'a pas encore franchie. Tu t'assied là où tu croit que se trouve la limite, puis tu lance :

- Je suis Jour de Guerre. Guerrier du Vent.

Tu l'observe encore, esquisse un sourire :

- C'est drôle. Tu ressemble aux guerrières du Clan du Vent. Tu es sûre d'être née dans ton Clan ? Moi même je ne suis as né dans le miens, ma famille est... enfin l'endroit de leur naissance est très loin d'ici je suppose, je n'ai pas vraiment de famille de sang, simplement une famille de lien. Alors je me dis que peut-être...

Peut-être quoi hein ? Tu t'attends à ce qu'elle soit de ta famille ? C'est une femelle du Clan adverse. L'espoir, tu as appris à le refouler. Tu déteste toutes ces choses qui te font croire que peut-être as-tu une famille, peut-être qu'ils t'attendent quelque part. Peut-être une mère s'est-elle faite prendre son ou ses chatons et... Peut-être que le solitaire qui t'a éduqué, celui en qui tu as toujours cru n'est autre qu'un malheureux matou qui voulait se créer une famille ? Non. Jamais tu ne t'es posé cette question, ça n'est pas aujourd'hui que ça arrivera pour la première fois.

- En fait oublis ça. Qu'est-ce que tu fais ici ? Je dois m'attendre à ce qu'une patrouille des bouffeurs d'écur... des chats de ton Clan me tombent dessus ?
  

« ... I am dead. »

La féline doit être du même âge que toi. Elle est rigolote. Du moins, c'est l'allure que tu lui trouve, plutôt pétillante. Que vont penser les autres de ton Clan s'ils sentent sur ton pelage grisé les remugles de l'ennemi ? Tant que tu ne t'approches pas trop, ça devrait aller. tu garde une "distance de sécurité" entre elle et toi. La voilà qui ronronne lorsque tu laisse s'échapper par maladresse des bribes de ton passé. Tu baisse les yeux sur ses pattes noires. On les croirait trempées dans du charbon. Peut-être trouve-t-elle la comparaison avec tes sœurs de cœur amusantes ? En tout cas, toi elle ne fait pas que t'amuser. elle te préoccupe, cette ressemblance. Et si, sans le savoir, tu te trouvait devant l'union traîtresse de deux êtres contraires ? Une femelle de son Clan, un mâle du tient... La belle affaire !

- Hum... tu sais... je... n'ai plus vraiment de famille non plus... Je veux dire, je suis bien du Clan du Tonnerre mais j'ai perdu mes frères et mes parents, enfin... Mon premier frère est mort du Mal Vert lorsque nous étions chatons, le second qui était plus âgé et était mon mentor, s'est fait tué par un blaireau et ma mère, ne pouvant supporter sa perte, et morte peu après... Quand à mon père, je ne l'ai jamais connu. Il est peut-être du Clan du Vent si ça se trouve !

Ah, elle trouve ça amusant, d'être issus d'une union interdite ? Pas toi. Tu le sais pour l'avoir à demi-vécu, pour t'être caché de la traque et de l'étiquette dont t'affublaient les membres des autres clans qui se trouvaient trahis par l'être qui avait été créé par maladresse. Tu es cependant a moitié fier de porter les traces de cet union. Oui, tu as toujours cru que les yeux vairons étaient la marque d'une union interdite. Tu hoche la tête suite aux paroles de la femelle, sans réellement être si enjoué à leur écoute.

- Dans tous les cas, ça nous fait un autre point commun, en plus de nos yeux vairons et de notre pelage gris ! Et non, ne t'en fais pas, les "bouffeurs d'écureuils" ne patrouille pas ici pour l'instant. Et je ne suis ici que parce que... J'avais envie de courir un peu, de me défouler si tu veux !

Tu as le regard rieur, te détends un peu. Elle a pris ton insulte à la légère et au fond ça te soulage un peu. Tu ne veux pas l'offusquer. Finalement, ils ne sont pas tous si stupides, ces chats de la forêt !

- Tu as de très jolis yeux, lances-tu soudain, un peu trop vite peut-être. J'ai toujours pensé que les yeux de couleurs différentes étaient la marque infime d'une union cachée, d'un chaton non désiré... Sans vouloir t'offenser bien sûr. Je parle pour mon cas en fait. Je ne crois pas que mes parents voulaient vraiment de moi. Je ne les ai jamais... enfin, ils n'ont jamais vécu en ma compagnie. Pardon, je ne... je m'étale pas vrai ?

Tu danse un peu d'une patte sur l'autre. Tu tatonnes. En fait, tu ne t'attendais pas du tout à croiser une féline qui t'étonne autant. Surtout si celle-ci se trouve dans le Clan qui te repousse le plus. Tu lève les yeux, regarde le ciel. Est-ce que tu es vraiment en train de sympathiser avec le Clan d'en face ? Tu n'es pas comme ça d'habitude. Tu aime quand les chose sont carrées. Tu n'aimes pas te sociabiliser. Si tu était resté toi même, il y a longtemps que tu lui aurait sauter à la gorge, à cette guerrière. Pourtant, tu lui fait confiance quand au fait qu'aucune patrouille n'est tapie dans les bois. En même temps, t'as pas trop le choix. Tu ne sent rien, les vents ne sont pas en ta faveur. La femelle t'adresse un grand sourire, lorsque tu repose ton regard sur ses épaules.

- Tu sais... on est pas obligés de faire ça, hein. Discuter comme ça... on fait même pas partie du même clan alors... Tu sais, je suis un chat très loyal, j'aime pas trop discuter alors que toi... tu es une femelle sublime, tout le monde doit avoir envie de discuter avec toi non ?

Et voilà, Jour de Guerre, le guerrier qui se bat comme une machine de guerre et qui est incapable de ne pas se ramasser quand il discute avec un chat du sexe opposé.

« ... I am dead. »

Elle aussi, lève les yeux au ciel. Elle semble un peu gênée de toutes ces remarques élogieuses que tu lui fait. Tu n'y prête pas vraiment attention, après tout rien n'est surjoué, tu ne cherche pas à obtenir quoique ce soit de cette guerrière. Simplement peut-être un peu de temps en sa compagnie. Après tout, le Code du Guerrier n'interdit pas d'entretenir des relations cordiales avec les autres, non ? Bien, alors vous ne faîtes rien de mal. Soudain, elle secoue vivement la tête. Qu'est-ce qu'elle a ? Une puce ? Ou une idée derrière la tête ? Tu voudrai lui poser la question. Elle s'est installée, elle aussi, de son côté de la frontière. La limite infranchissable vous barre la route. Tu remarque un sentiment qui la traverse, mais tu ne saurait dire lequel, lorsque tu lui fait la remarque sur ta loyauté. Peut-être de la tristesse ? De la colère ? Ou un délicieux mélange des deux: la déception ? C'est alors qu'elle se lève, lentement, tu est pratiquement sûr qu'elle va s'envoler, avec sa jolie taille et son joli port de tête. L'aurais-tu vexée ? As-tu dit quelque chose de déplacé ?

- Hum... euh... tu... tu es sûr? Je veux dire, on ne fait rien de mal, et je suis assez solitaire habituellement... Enfin, tu dois t'en moquer, j'imagine... je veux dire, qu'est-ce que ça peut te faire? Je suis du Clan des Bouff... euh des Ecu... euh! Du Tonnerre! Comme tu le dis si bien, et toi tu es du Clan des Fin... des Cour... du Vent!! Roh bon sang... je... excuse moi je... Je devrais te laisser tranquille, tu dois me prendre pour une folle...

- Attends tu...

Trop tard, la voilà déjà partie. Pas le temps de dire ouf, tu pose une patte plus avant mais tu es retenu par l'interdit. Sa maladresse t'amuse, t'intrigue. Tu soupire, t'apprête à lui feuler de revenir ici, que tu es désolé de l'avoir brusqué. Elle ne peut pas te laisser planter là, tu ne connais que son nom et celui de son Clan ! Et puis, tu ne pourras peut-être jamais la revoir... Excepté si tu es meneur un jour, ou durant les assemblées des Clans... ou encore si tu déclenche une guerre. Mais le champ de bataille n'est pas le lieu idéal pour discuter. Tu hésite, sur la frontière. T'aimerai la prendre en chasse mais c'est interdit et totalement injustifié.

Et voilà que soudain, elle mord la poussière. Tu pousse un cri, entre la surprise et l'amusement, puis attend qu'elle se relève. Son regard croise le tient, tu ne laisse rien transparaître. Tu lance alors :

- Attends un peu ici, tu veux ? Je n'ai pas le droit de te courir après, mais je le ferai bien volontiers ! On ne fait rien de mal, je ne veux pas que tu partes, reste encore un peu... s'il te plais. J'aimerai apprendre à te connaître. Le Code du Guerrier ne stipule pas que discuter avec les autres est interdit, alors... Reste. Et puis, je ne te trouves pas folle. Et même si c'était le cas, je trouve aussi que les fous rendent le monde plus amusant.

« ... I am dead. »

Alors que tu te demande si la féline va accepter de passer du temps en ta compagnie, elle se tourne pour revenir se placer devant toi. D'une petite voix gênée elle te lance alors:

- Je... je comprends... moi aussi je veux te connaître, tu as l'air d'être quelqu'un de très gentil et tendre et... et je te trouve très sympathique...

Tendre ? Toi ? Tu as presque envie de rire. Tu esquisse un sourire, te ressied à ta place. Vous vous observez, tu te demande ce qu'elle pense de toi. Le soleil tourne lentement dans le ciel, il fait maintenant plein jour. Tu te demande si tes camarades ne sont pas partis à la chasse. Ils pourraient vous tomber dessus, mais encore une fois, tu te rassure en te disant que vous ne faîtes rien de mal. Tu crois entendre un bruit, derrière elle. Tu remue les oreilles, puis après une poignée de seconde, revient poser tes yeux sur les épaules de la femelle du Clan du Tonnerre. Tu lui lance alors :

- Bon, alors avant toute chose heu... Je n'ai pas l'habitude de m'intéresser aux autres alors... Pardonne d'avance mes maladresses. Je n'ai pas l'habitude de dévoiler mon passé. D'ailleurs, je crois que je n'ai jamais vraiment expliqué quoi que ce soit à personne.

Tu essaie de te remémorer les détails de ta vie de solitaire. Elle ne remonte pas à si longtemps que ça...

- Je suis né très loin d'ici, je crois. J'ai été éduqué par un solitaire, puis lorsque je l'ai vaincu pour la première fois au combat, je suis parti. Je devait avoir 12 ou 13 lunes. Après, j'ai voyagé, j'ai erré. J'ai forgé mon caractère, trouvé mes techniques. Et puis je suis arrivé ici, dans la forêt. J'ai d'abord traversé la lande et le Clan du Vent m'a trouvé. Je ne sais pas vraiment depuis combien de temps j'ai erré mais maintenant j'ai trouvé ma famille. J'espère pouvoir les servir jusqu'à ce que la mort me prenne aussi loyalement que possible.

Tu redresse encore les oreilles.

- Écoutes, avant que tu me dise quoi que ce soit sur toi, j'aimerai qu'on fixe un autre heu... rendez-vous. Je pense qui si nos clans respectifs nous surprenaient -bien que l'on ne fasse rien de mal-, je pense qu'ils se poseraient des questions. Je vais bientôt devoir te laisser alors... Je te propose qu'on se revoit dans quelques jours, en territoires libres. Tu as une idée de l'endroit ? Bien sûr, je peut rester encore un peu alors... Parle moi un peu de toi.

Tu retient ton souffle, tout ouïe.

« ... I am dead. »

Elle semble s'inquiéter ce que tu crois avoir entendu toi aussi. il y a cette espèce d'anxiété malsaine qui te hante. Comme si tes yeux pleins de rancœurs te fixaient. Comme si tu étais était entrain de trahir tes ancêtres. Enfin, tes ancêtres n'ont rien à voir avec les chats d'ici. Alors peut-être le Clan des Etoiles t'as complètement accepté maintenant. Peut-être parcourras-tu les cieux en leur compagnie quand ton heure sera venue ? En fin de compte, c'est peut-être à eux que tu fais honte. Peut-être savent-ils que les rencontres inter-claniques donnent toujours ces chatons bâtards, dont le sang n'est pas pur. En même temps, si tu construisait ton monde sur des "peut-être" et des "si", tu n'aurait pas fini de t'arrêter de vivre toutes les deux minutes.

Tu reportes ton regard sur la félin, qui manifeste encore une fois sa gêne. Qu'est-ce qu'elle a à la fin ? Un compagnon jaloux qu'elle a peur de trahir ? Te cache-t-elle quelque chose ? Tu ne laisse rien paraître et continue simplement d'être... toi. Ombre de Lune te propose alors un lieu de rendez-vous qu'elle à l'air de connaître. Une plaine fleurie. Tu crois en avoir entendu parlé. Oui et puis de toute façon, elle t'indique que cet endroit se trouve près de chez elle. Alors, tu finira bien par trouver. La guerrière entame alors le récit du début de sa vie. La féline est née dans le clan qu'elle sert actuellement. Tu hoche la tête. 25 lunes, c'est l'âge que tu as toi aussi. Tu souris imperceptiblement.

Tu as cependant vite ôté cet air de ton visage : au fur et à mesure que Ombre de Lune t'explique l'histoire émouvante de sa vie, la joie de tes yeux s'envole. Elle non plus, n'a plus vraiment de famille de sang. Elle a simplement eu la chance de les connaître, tous à part son père. Et c'est ce qui rend la séparation plus dure. Toi, tu n'as jamais eu à vivre ça. Ton mentor et père de substitution à toujours mis une barrière entre lui et toi. Vous n'avez jamais eu de lien père/fils et c'était volontaire. C'est d'ailleurs ce qui t'as permis de le quitter si facilement. Un énième combat et lorsqu'il fut au tapis, mordant la poussière, tu l'as simplement fixé dans les yeux en murmurant "J'ai gagné.". L'instant d'après, tu étais parti. Tu ne saura probablement jamais ce qu'il est devenu mais tu t'en fiche. Tu n'as plus besoin de lui.

Dans les yeux de la féline, une ombre de tristesse passe. "Sois heureuse quoi qu'il arrive" pas vrai ? Tu aimerai t'approcher pour la réconforter, mais c'est impossible. Tu murmure alors :

- Sois heureuse, dans ce cas. Ne penses plus au passé, car tu n'en a pas besoin. Aide toi des autres, appuis toi sur leurs épaules. Les miennes sont assez larges pour que tu le fasse.

Tu as un sourire qui se veut réconfortant.

- Et pour ce qui est de la Plaine Fleurie, c'est d'accord. Que pense-tu de la prochaine demi-lune ? Comme ça, nos pelages gris seront camouflés ! Je ferai attention de trouver un prétexte pour sortir la nuit, je fais souvent des cauchemars alors ça ne devrait pas...

Tu sens que tu viens de dévoiler une faiblesse. Tu ouvre et referme la gueule puis lance alors :

- Oublis la fin de ma phrase.  

♥:

« ... I am dead. »

Tu te perds dans des pensées inutiles, des craintes sans motifs. Et alors que tu te trouvait pensif, Ombre de Lune franchit les quelques queues de souris qui vous sépare. Tu n'ose pas bouger quand elle se presse contre toi. Tu as l'impression que le temps se suspend, que ton cœur manque un battement. Tu retient ton souffle, écarquille les paupières mais ne bouge pas d'une oreille de campagnol. Tu es comme figé à travers le temps et l’espace, ce moment glacé, cristallisé. C'est comme si la Terre continuait de tourner sans vous. Comme si les saisons défilaient. Le temps passe si lentement et si vite... La vie des Clans t'as décidément apporté de nombreuses chose. Quand ut était solitaire, aucun interdit n'était à franchir. Tu n'avais pas de limite. Tu pensais en fait qu'en entrant dans un des quatre Clan, ta vie deviendrait bien rangée. Peut-être fonderait-tu une famille, élèverait des chatons et mènerait ton Clan à la guerre... Et te voilà à conter fleurette avec une féline d'un autre Clan. Son pelage est si doux ! On croirait une rose qui s'ouvre au printemps.

Elle respire les parfums de la forêt, l'herbe verte, la neige et l'eau gelée... C'est drôle qu'elle soit allée vers toi. Peut-être aurais-tu fait de même, en ayant passé plus de temps en sa compagnie. Et puis, le fait que vous ayez tant de caractéristiques communes vous rapproche certainement. Soudain, à la perspective de la revoir, tu es très joyeux. Et puis, ce que ton Clan ignore ne peut pas lui faire de mal. Vous serez en territoire libres, personne ne viendra vous y déranger. Alors qu'elle recule un peu et te lèche la joue, elle te glisse à l'oreille :

- Va pour la demi-lune et ne t'en fais pas, j'ai plus de faiblesses que toi... Et je ne révélerais jamais les tiennes à quiconque. Et merci pour ton soutien.

Tu reste béa. Elle a franchie la frontière. Tu croyais que ça serait plus terrible. Tu t'attendais à ce que la foudre vous tombe dessus, ou que ton coeur de pierre te pousse à lui bondir à la gorge mais tout ce que tu ressent est totalement contraire à tes valeurs habituelles. T'es un peu perdu, déchiré entre la loyauté à ton Clan et le drôle de sentiment que tu ressent à l'égar de la guerrière du Clan du Tonnerre. Et puis, poussé par tu ne sais quel courage, tu te dit encore une fois que ce que ton Clan ignore ne peut lui porter préjudice. Après tout, aucun mal n'est fait. Vous... apprenez juste à vous connaître. En fait, l'histoire se répète, pas vrai ?

Tu sourie à Ombre de Lune, en profite pour marquer discrètement la frontière puis lance alors:

- Je t'attendrai là bas à la tombée du jour. Ne sois pas en retard, au revoir, Ombre de Lune, guerrière du Clan du Tonnerre. Et heu... n'oublis pas de cacher mon odeur avant de rentrer chez toi !

Tu es un peu maladroit pas vrai ? Bien sûr qu'elle va le faire. Elle est loin d'être stupide et elle te l'a déjà montré quelque fois. Tu recule lentement puis pars brusquement à travers les arbres. Sur le chemin du retour, tu passe par les côtés les plus ventés du territoire de ton Clan. Il ne faudrait pas que quiconque sente le fumet d'un chat d'un autre Clan sur ton pelage ! Alors tu décide de t'attarder un peu à la chasse, de te camoufler dans quelques buissons... Une fois que tu es sûr d'avoir fait disparaître l'odeur et d'avoir assez de proies pour justifier ton absence, tu rentre tranquillement au campement, là où personne ne sait que très bientôt tu reverra celle qui t'a troublé au point de te faire oublier ta haine et ta loyauté. A l'intérieur, tu es mort. Saura-t-elle te ressusciter ?