« -Stupide lapin tu ne t'en tireras pas comme ça ! »

Apparemment, quelqu’un chassait du lapin mais qui ? Un chat du clan du vent ? Non, car Plume de Chouette avait une ouïe fine et la voix qu’elle avait entendue ne ressemblait nullement à une voix de chat du clan du vent. Quelques minutes plus tard, elle sentit l’odeur du clan du Tonnerre. Alors comme ça les chats du clan du Tonnerre chassent le lapin maintenant ? Mais ce chat-là doit être sur les terres de mon clan, pensa Plume de Chouette, il est de mon devoir de le chasser. Mais pourtant, la jeune guerrière ne bougea pas d’un poil. Elle attendit, assise, que le matou, qui était surement trop occupé avec sa proie pour voir la guerrière du clan du vent, passe devant elle. Lorsqu’il fut assez près d’elle, elle put le voir ; ou plutôt LA voir. C’était une jeune guerrière, au pelage flamboyant d’un noir de jais. Elle paraissait agile mais le lapin courrait toujours devant ses pattes. Plume de Chouette croisa son regard de ses yeux bleus turquoise. Au moment où le lapin passa devant les pattes de la chatte du clan du vent, celle-ci se jeta dessus et l’acheva d’une morsure. Elle se tourna alors devant la jeune guerrière au pelage noir qui s’était arrêtée et lui dit dans un feulement :

« Que fais-tu sur les terres du clan du vent ? »

Elle s’approcha alors de la fautive d’un pas menaçant, la fourrure hérissé, les yeux réduits à deux fentes. Mais elle fit un pas de travers sur sa patte blessée et se laissa tomber par terre dans un gémissement de douleur.

Plume de Chouette poussait quelques gémissements de douleur qu’elle essayait en vain de retenir. Elle ne voulait pas montrer sa faiblesse à une guerrière d’un clan adverse. Les yeux à demi plissées par la douleur, Plume de Chouette parvint tout de même à distinguer une forme noire qui se retournait. Mais la silhouette restait immobile, elle semblait hésiter. Puis elle se retourna, revint sur ses pas, et s’arrêta devant la blessée. Plume de Chouette était surprise : « mais que fait-elle ? Elle est revenue pour m’achever ? », pensa-t-elle. Elle rassembla ses dernières forces et essaya de se relever. Mais c’était inutile. Le sang qui s’échappait de sa plaie commençait à former un petit ruisseau qui rendait ses pattes écarlates. Mais la jeune guerrière noire partit. C’est bon, elle m’a abandonnée, se dit Plume de Chouette. Mais pour quelqu’un qui s’en va, la chatte du clan du Tonnerre avait une attitude bien curieuse : elle ne cessait de regarder par terre, comme si elle cherchait quelque chose. Elle revint peu de temps après, avec quelque chose sur une de ses pattes. Lorsque Plume de Chouette aperçut ce qu’elle tenait, elle ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement : des toiles d’araignées entouraient la patte couleur charbon de la guerrière du clan du Tonnerre. Cette dernière s’approcha de la blessée et commença à appliquer délicatement les toiles d’araignées sur la plaie. Plume de Chouette poussa un petit cri de douleur lorsqu’elle sentit qu’on appuyait sur sa blessure. Dans un grommèlement, la guerrière au pelage de jais lui dit :

« -Tiens-toi tranquille. Je suis pas guérisseuse alors si en plus tu bouges ça va pas m’aider. »
Plume de Chouette lui adressa alors un regard plein de gratitude pour la remercier de sa gentillesse.

Une fois le bandage fini, la chatte du clan du Tonnerre arborait un air de fierté. Elle dit :

« - Voilà, c’est fini. Tu devrais aller voir ton guérisseur, mon pansement ne va pas tenir longtemps. Et je suis désolée de chasser sur ton territoire. J’ai poursuivi ce lapin jusqu’aux quatre chênes, et quand il a pris la direction de la lande, je l’ai bêtement suivi.

- Je te suis reconnaissante de m’avoir fait ce bandage, lui répondit Plume de Chouette, une fois qu’elle s’était relevée. Mais fais attention : si ce n’était pas moi qui t’avait surprise et que c’était un grand vétéran de mon clan qui t’avait vue, tu aurais eu de sérieux ennuis. Pour te remercier, je ne vais parler à personne de ce qui vient de se passer. Par contre, je pense que je vais avoir des ennuis avec le guérisseur : je n’étais pas censée sortir du camp avant que ma blessure ne guérisse. Je me suis,… en quelques sortes… échappée du camp,… si tu vois ce que je veux dire... Elle toussota un peu et reprit d’une voix pleine d’entrain :

- Mais, au fait,  je ne connais pas ton nom ! Comment appelles-tu ?

La jeune chatte noire bredouilla :

« - Flamme Noire. Toi c’est Plume de Chouette, non ?

- Oui, lui répondit Plume de Chouette. Elle attendit un instant, puis reprit :

- N’oublies pas que tu es sur les terres du clan du Vent. Tu ferais mieux de t’en aller, et moi aussi d’ailleurs… » Elle repartit vers la direction du camp, en faisant attention de ne pas ouvrir sa blessure une nouvelle fois. Elle était obligée de marcher très doucement. A peine avait elle fait deux pas, qu’elle pensa qu’elle avait été trop gentille avec Flamme Noire. Si tous les chats du clan du Tonnerre se mettaient à chasser sur son territoire, il n’y aurait bientôt plus de proie pour nourrir un seul chat. Elle devait retourner voir Flamme Noire pour le lui dire. Elle fit demi-tour et lui cria :

« - J’ai été gentille avec toi parce que tu l’as été avec moi. Mais si tu t’avises de retourner sur les terres de mon clan, tu auras de gros ennuis. »

Elle tourna la tête sans attendre une réponse de Flamme Noire et repartit –pour de bon cette fois- vers son camp.
Chaque pas qu'elle faisait s'accompagnait d'une petite douleur à la patte. Une petite douleur ? C'est bien peu pour une chatte qui était forte d'intérieur. Mais des centaines et des centaines de petites douleurs ? Ça devient vite insupportable. Car elle s'était beaucoup éloignée du camp et le chemin était long. Elle hésitait toujours entre tout raconter au guérisseur, ou rentrer à temps sans qu’il ne s’en aperçoive, et lui dire qu’elle avait fait un faux pas dans la tanière du guérisseur. Elle savait que si elle mentait, elle aurait mauvaise conscience. Mais la perspective d'être punie et de devoir rester au camp pendant très longtemps si elle avoue tout au guérisseur ne la réjouissait pas.
Elle arrivait en vue du camp, toujours indécise, lorsque la voix de Nuage Perdu, l'apprenti-guérisseur du clan, retentit dans ses oreilles :

HRP: