Symphonie des Corneilles observait la bande sombre face à elle. Tandis que, d'une patte, elle tapotait le bitume. Son museau lui brûlait, à tel point l'odeur était puissante et destructrice. Tandis qu'au loin, la petite femelle entendait un puissant rugissement prendre vie. Deux yeux lumineux venaient d'apparaître et accouraient vers elle avec une vitesse phénoménale. Se redressant, Symphonie n'eut en aucun cas le temps de penser deux secondes à la suite. Elle sauta dans les herbes folles derrière elle. Les épines des ronces vinrent se coincer dans sa fourrure normalement si bien lustrée et entretenue. Créant ainsi des nœuds de fourrure et quelques petites plaies qui vinrent recouvrir les flancs et le museau de notre féline.

Le souffle court, elle fixait ses pattes recouvertes de boue. Elle avait changé de territoire. L'odeur était plus ou moins différente ici, malgré les relents du Chemin du Tonnerre derrière elle. Symphonie en avait déjà traversé, des chemins comme celui-ci. Des plus grands parfois même. Mais à chaque fois, son cœur s'emballait. Son esprit la brûlait et son corps refusait parfois de lui répondre sous les coups de la peur. Qu'avait-elle fait pour mériter pareil destin ? A présent, elle fuyait chaque endroit où elle allait, comme une pestiférée.

Symphonie releva lentement le museau, passant sa langue rappeuse sur une petite coupure qui faisait couler du sang dans sa gueule. Son ventre miaulait famine, ses pattes tremblaient. L'endroit devait bien comporter encore quelques proies qu'elle pourrait dévorer. Se redressant, elle se mit à chercher un peu autour d'elle. Gueule à demi-ouverte, museau dressé vers le ciel.

L'odeur d'une souris venait à elle. Se glissant en position du chasseur, elle cherchait tout autour d'elle, jusqu'à voir un petit tas de feuilles bouger. Agitant son arrière train quelques secondes, elle bondit, s'arrêtant les deux pattes sur la petite souris qu'elle vint tué d'un coup de croc dans le cou. Avant de s'accroupir et commencer à la dévorer. La faim la tenaillait depuis bien trop longtemps …

Elle ne prêtait même plus attention à tout ce qui se trouvait autour d'elle. Sa seule concentration, à l'heure actuelle, était sa souris qu'elle dévorait comme une furieuse.

Symphonie des corneilles continuait de dévorer sa souris, jusqu'à n'en laisser que des os. Elle avait carrément tout dévoré. Sa faim l'avait poussé dans des retranchement extrêmes. Elle avait plus ou moins comprit qu'elle ne devait pas chasser dans la forêt. Mais … que faire d'autre, se laisser mourir ? Tandis qu'elle se pourléchait les babines, quelque chose vint lui dresser la fourrure du dos. Elle sentait comme un regard posé sur elle. Un regard étrange, troublant. Redressant ses oreilles, elle vint laisser ses yeux tourner, jusqu'à ce qu'elle remarque le félin non loin d'elle. L'observant, elle se crispa.

Reculant d'un ou deux pas, la femelle cherchait à se montrer un peu plus menaçante que ce qu'elle ne pouvait bien l'être. Du point de vue du mâle, plus loin, ce devait être très comique, avec sa fourrure pleine d'épine, on aurait dit un hérisson en colère. Symphonie regardait autour d'elle. Prise d'une faible panique.

- Je … je n'ai rien fais de mal. Je le jure. Désolée pour la souris je … j'avais réellement trop faim, je n'en pouvais plus, je n'avais pas mangé depuis des jours. Pitié …

Reculant petit à petit, elle se retrouva rapidement dos à un arbre. Plus aucune échappatoire, fallait-il croire. A présent, elle était livrée à elle même, avec ce mâle étrange qui, réellement, lui faisait froid dans le dos. Surtout ce sourire qu'il abordait. C'était super flippant n'empêche, de terminer son repas sur un regard si étrange.

Elle en aurait avalé sa dernière bouchée au point de s'étouffer, si elle n'avait pas terminé sa souris avant de le remarquer. Tremblante, elle observait le jeune félin.

- Tu... ne vas pas me faire de mal, hein … ? Mon nom est Symphonie des Corneilles … Je suis solitaire … La vie seule est déjà si compliquée … Je me fais chasser partout où je vais … par pitié …

La femelle baissa lentement la tête. Elle avait peur. Mais cherchait à rester le plus digne possible, malgré tout. Elle montrait ses émotions, mais ce qu'elle ne montrait pas, c'est qu'elle avait des crocs pour se défendre, en cas de besoin. La jeune chatte ne se laisserait pas faire si docilement.

Tout ce chemin n'avait pas été fait en vain. .

Finalement ... La peur laissa lentement place a une incertitude que la femelle essaya de dissimuler au mieux. Lusion ? Quel drôle de nom. Du moins c'est ce qu'elle pouvait penser a présent. Maintenant qu'elle portait un nom proche des félins des clans. Son nom de domestique reviendrait -il a l'usage un jour ? Elle en doutait fortement. Penchant la tête afin d'observer le mâle face a elle, symphonie finit par lâcher un soupir de satisfaction . il ne semblait pas lui vouloir de mal. Parfait ! Symphonie allait peut-être enfin pouvoir se faire un camarade ? Depuis tant de temps où elle était seule. C'était si triste comme vie. Cette solitude. Après tout, c'était peut-être ça, la vie de solitaire. Être seule, toujours, jusqu'à la fin.

Cette seule pensée lui faisait peur. L'horrifiait totalement. Sympho' observait Lusion. Avant de s'avancer lentement vers lui.

- Lusion ? C'est étrange comme nom. Qu'Est-ce qu'il veut dire ? Quand j'étais domestique, j'avais un autre nom. Mais lorsque j'ai commencé à voyager, une solitaire m'a donné ce nom que j'ai à présent. Tu es solitaire, toi aussi ? C'est ça ?

Assise non loin de Lusion, elle venait se donner quelques petits coups de langue sur le dos de sa propre patte. Jusqu'à venir la passer sur son museau. Elle débutait une toilette rapide. Ces épines dans sa fourrure ne l'aidaient pas trop à rester très présentable.

- C'est étrange. Tu portes la même odeur qu'il y a pas loin du chemin du tonnerre ... Elle était très forte là-bas. En tout cas, je suis heureuse qu'un félin par ici ne me chasse pas ... C'est rare. Tu viens d’où ?

Sa queue fouettait l’air. Observant Lusion curieusement. Il l’intéressait, ce félin. Il était plutôt … Comment dire… Intrigant. A vrai dire. Elle n’avait jamais rencontré pareil félin que lui. Ce sourire étrange, ce regard … Ces yeux rouges. Sympho venait d’y perdre son regard un instant. C’était plutôt rare, des yeux comme ça.
Elle frémit, faiblement. A quoi bon ? Pour l’instant, le principal, c’est qu’elle avait trouvé quelqu’un d’agréable avec elle…
.

Symphonie des Corneilles n'avait pas quitté des yeux Lusion. Elle penchait la tête sur le côté. Il était étrange, ce félin. Définitivement étrange. Pas le même que tout les autres. Oh ça. Il était très loin du portrait qu'on avait décrit des chats des clans. La solitaire n'avait pu s'empêcher d'avoir un petit mouvement de recul, lorsqu'il lui avait dit qu'il était, au final, un membre du clan de l'ombre.

- Oh. Tu es un félin de clan. Je vois ...

Elle avait baissé la tête. C'était dommage, dans un sens. Car, d'après elle. Solitaire et claniques ne pouvaient pas être amis. Leur comportement était trop différent. Les solitaires faisaient tout pour eux. Tandis que les félins de clan devaient tout le temps penser à leurs camarades. Symphonie vivait seule depuis le début. Et cette idée de groupe, elle ne le comprenait pas réellement. Les règles étaient certes là pour maintenant un certain ordre. Mais certaines choses lui échappaient encore.

Elle continuait de se donner quelques coups de langue rapide. Avant de loucher sur l'oiseau qu'avait déposer Lusion. Il n'allait pas le manger ? C'était du gâchi. S'en approchant doucement, elle vint le pousser du museau jusqu'au petit mâle.

- Tiens Lusion. Ta proie. Gâcher la nourriture, alors qu'elle est si compliquée à trouver. C'est dommage !

Elle restait aux côtés du mâle. Remarquant, lentement, qu'il semblait jeune. Voir même, plus jeune qu'elle. Malgré le fait qu'à son âge, elle restait encore petite. Et dans son état de famine et de fourrure mal lustrée. Petite, faible, et sans doutes maigre à en mourir.

- Dis moi, Lusion. C'est comment la vie, dans un clan de félin ?

Elle était curieuse. Et puis, ce félin là n'était diablement pas bavard. Arriverait-elle à lui tirer les vers du museau afin de le forcer un peu à parler ? Ou n'arriverait-elle simplement à rien d'autre qu'à ne lui tirer aucunes paroles ? Ce serait triste, de ne pas pouvoir profiter du seul félin qui, pour l'instant, lui semblait agréable. Malgré qu'il soit totalement perché.

Il l'ignorait ? Il ignorait ce qu'était la vie qu'il menait actuellement ? Alors qu'il connaissait la vie de solitaire ? Ce félin était, définitivement, un drôle de loustic, réellement. A quoi bon chercher à comprendre. Elle commençait à se faire mal au crâne, à force d'essayer de comprendre l'histoire si trouble du petit mâle devant elle. Non, finalement, elle allait simplement continuer sur une ligne droite. Une discutions simple, peut-être arriverait-elle à le faire parler un peu ? Si elle ne lui posait qu'une seule question à la fois ? Vu qu'il ne semblait, à chaque fois, répondre qu'à la dernière question qu'elle pouvait poser.

Bon. Il n'était pas très bavard, mais il semblait tout gentils. C'était une bonne chose. Gentils, mais pas bavard. Bon, ça c'était dommage. Mais au moins ... Il ne l'avait toujours pas attaqué. Donc bon, pour le coup, elle venait de s'approcher de Lusion. Jusqu'à le renifler un peu. Son museau presque contre son flanc. Avant de lui donner un petit coup de langue sur l'oreille.

- Parle moi un peu de toi, Lusion !

Ainsi, à ses côtés, elle attendait sagement.

Piégé ? Comment ça, piégé ? Lusion avait été forcé de les rejoindre ? Mais c'était horrible, comme situation ! Pourquoi ne profitait-il pas de cette situation ? Enfin, actuelle, le fait d'être seul dehors pour fuir ? Pour partir et retrouver sa liberté, alors ? A moins qu'elle ne se faisait trop d'idées ? Lusion était peut-être membre du clan, mais s'était fait piégé dans la forêt, afin de le taquiner ? Ou cette idée était simplement stupide ...

Symphonie n'en savait rien du tout. Et pourtant, elle savait bien que si elle demandait à ce chaton, il ne lui répondrait rien. Lusion avait cette habitude, semblait-il ? Ou alors, il ne voulait simplement pas lui répondre, à toutes ses questions. Elle n'en prenait pas ombrage. Elle l'aimait bien, ce chat là.

Et pourtant. Elle ne pouvait pas savoir si c'était réellement réciproque, mais au moins, il ne l'avait toujours pas attaqué. Et elle s'en réjouïssait. Elle était heureuse de pouvoir enfin discuter avec quelqu'un de plutôt calme. Enfin, Calme... Lusion n'était pas que calme. Il était détâché de la réalité, aux yeux de la féline.

Elle lui offrit un autre coup de langue, comme pour s'occuper de la fourrure du jeune mâle. Symphonie ayant elle même l'habitude d'avoir la plus belle fourrure possible, là, pour le coup, elle semblait vouloir chercher à faire de même avec Lusion.

- Pourquoi t'ont-ils piégé ? Et surtout, comment ? .

La femelle avait observé le petit mâle commencer à partir. Comme à son habitude, il n'avait répondu qu'à une seule de ces questions. Finalement, elle finissait par s'y faire, à cette étrange habitude, notre Symphonie des Corneilles, elle allait même jusqu'à trouver ça amusant. D'autres en auraient prit rapidement ombrage, pensant que le jeune matous se moquait d'eux. Mais la solitaire ne pensait pas ça. Il était gentils avec elle. L'aidait même. Car oui, même s'il n'y pensait peut-être pas, la solitude était un lourd fardeau partout où on allait, et rien qu'une simple discutions était parfois un large soulagement. Un poids en moins sur les épaules, un poids retiré qui permettait de reprendre la route plus sereinement.

Et maintenant. Voilà que Lusion partait. Tiens, il en avait marre ? Elle se redressa délicatement. Et se mit à le suivre. Et tandis qu'elle se trouvait derrière lui, la destination du matous commençait à l'intriguer un peu. Elle avait tourné la tête une seconde. Une second de trop, fallait-il croire. Le jeune matous venait de s'aventurer sur le Chemin du Tonnerre. Et au loin, la femelle voyait déjà un monstre s'approcher de son seul camarade. Elle fit un effort pour essayer de le rejoindre, pour le tirer de là. Mais il fut plus rapide qu'elle. Malgré sa peur.

Il venait de sauter sur le bas côté. Le regard ailleurs. Lui glissant quelques paroles. Il venait de comprendre que la mort l'avait frôlé à une longueur de queue de renard. Tandis qu'elle venait se coller à lui, et lui offrir quelques coups de langue tout le long de sa fourrure. Comme pour l'apaiser, le réconforter de sa présence, Symphonie murmura d'une douce voix.

- Le Chemin du Tonnerre est un sentier dangeureux. Il y a de gros monstres qui rôdent dessus, et ils sont capable de dévorer un chat en un seul passage. De nombreux chats sont morts, sur ces sentiers. Il en existe de toutes sortes, avec pleins de monstres différents dessus ... Lorsque tu vois un chemin comme celui-ci. Il faut faire très attention. Si tu veux, je t'apprendrai à traverser.

Elle restait collé à lui. Le serrant à elle grâce à une patte qu'elle avait passé autour de lui. Ronronnant, telle une berceuse pour l'apaiser.

Symphonie des Corneilles continuait de laper tendrement les oreilles du petit félin qu'elle gardait contre elle, comme jalousement. Elle avait eu terriblement peur. Une peur sans nom. C'était le seule félin qui ne lui avait pas craché dessus, un félin qui lui avait apporté quelque chose à manger, qui était resté là pour parler avec elle. C'était le seul qui lui brisait sa solitude si solide. Celle qui était devenue sa terrible camarade de voyage, de vie, sa compagne éternelle. Du moins, jusqu'à ce qu'il arrive.

Et à présent, elle pouvait essayer de lui montrer que, elle, elle était là pour essayer de l'aider un peu. Être a ses côtés si il en avait besoin. La femelle n'avait eu que de très rares amis durant ses voyages. Et ils étaient tous des solitaires, qu'elle avait laissé derrière elle pour son voyage. Mais là, c'était différent, dans un sens. Lusion était quelqu'un d'étrange, d'interessant. Qu'elle voulait essayer de comprendre et de percer à jour.

Mais il avait le mauvais côté de ne répondre qu'à une seule question. Et encore, c'est quand il le voulait, car parfois, il ne répondait pas du tout à ce que l'on essayait de lui dire ou de lui demander. Ce mâle était simplement étrange, il avait un soucis. Mais elle pourrait sans doutes, un jour, faire quelque chose pour ça.

Tendant le museau vers le sien, elle parlait à voix basses.

- Tu veux faire quelque chose Lusion ? Continuer ta balade ? Continuer une discutions ?

A vrai dire, elle voulait surtout l'éloigner du Chemin du Tonnerre. Non pas trop loin, elle avait peur de s'enfoncer dans le territoire de l'Ombre. Mais laisser son camarade si proche du territoire de chasse des monstres ne lui semblait en aucun cas une bonne idée.

Elle profitait d'un doux moment auprès du jeune matous. Profitant de sa présence si proche de son corps, si proche d'elle. C'était la première fois depuis si longtemps, qu'elle n'avait pas eu ce contact si doux avec un autre membre de sa race. Encore moins un mâle. Et pour le coup, elle profitait. Comme si le temps n'avait plus cours sur elle ! Mais au moment où elle semblait se perdre dans une sorte de sommeil.

En un instant, elle s'était retrouvée balancée dans un buisson. Les épines s'accrochèrent à sa fourrure, mais ce n'était qu'une petite peine à subir pour avoir eu ce petit moment de bonheur avec Lusion. Son regard semblait vouloir tout dire, tandis qu'il le braquait sur elle. Ce n'était pas par plaisir, qu'il l'avait jeté. Et il semblait dire qu'ils se reverraient. Le cœur de la féline se serra. Une patrouille du clan arrivait. La solitaire vit Lusion se mordre, et aller leur parler, avant qu'ils ne partent, tous ...

Elle semblait soulagée, mais aussi triste à la fois. Elle allait se retrouver seule, encore. Mais le petit mâle avait fait quelque chose d'étrange, pour elle. Il venait simplement de lui sauver la fourrure et la queue. Et en prime, il s'était mordu lui même, s'était blessé, pour éviter qu'ils ne pensent qu'il ment...

S'échappant de ce territoire en traversant le chemin du tonnerre, elle eut la chance d'éviter un monstre in-extremis. Son esprit était resté là-bas, entre les pinèdes. A câliner un félin pas bavard.

Mais qu'elle aimait bien.


Symphonie des corneilles reviendrait ...