Chaque apprenti est unique, dit-on. Je suis d'accord, mais... ils sont également semblables sur un même point ; leur naïveté sans borne. Ils cherchent tous à nous berner avec leur force de caractère et d'esprit factice. Ils se croient malins, alors qu'en fait, c'est faire preuve d'une pure stupidité que de rechigner la vérité. Ils nous prennent pour des cervelles de souris, nous les guerriers aguerris, alors que c'est plutôt eux, les apprentis débutants, les véritables cervelles de souris. Nuage Polaire me rappel vaguement Cœur Ténébreux, mon ancien apprenti, à ses débuts. Il camouflait lui-aussi sa souffrance, bien qu'elle soit émotionnelle, à mon regard. Cependant, mon cœur sait écouter et ma raison, réfléchir. Je suis loin d'être un sot. Lorsque le novice blanc comme neige se mit à boiter sur le chemin du retour, je compris immédiatement que je suis peut-être aller un peu fort pour sa première journée, et cela même si il a encore la détermination de le cacher. Je dois avouer que parfois moi-aussi je cherche à panser mes blessures seul, sans avoir recours à notre guérisseuse, même si je sais que ce n'est pas la meilleure solution. Heureusement, mon apprenti ne semble pas saigner. Je décide donc d'attendre au lendemain matin pour voir l'ampleur de sa blessure, et j'espère au moins que son orgueil s'estompe avec une bonne nuit de repos. Je me dirige vers la tanière des guerriers, et y sombre dans mon nid douillet, les paupières lourdes de sommeil ; je m'endors...

La matinée s'annonce paisible... Je m'éveille tranquillement et m'étire de tout mon long, lorsque mon estomac se manifeste. Je me souviens alors que je n'ai rien avalé la veille au soir à cause de mes préoccupations sur Nuage Polaire ; et j'ai la dalle ! Je sors en douceur de la tanière des guerriers, je prend soin de ne pas écraser les membres de mes camarades, puis je me dirige au petit pas de course vers la pile de gibier. J'ai la chance d'y trouver une souris rachitique que je m'empresse de dévorer avant d'entreprendre une toilette soignée. Le Clan se réveille lui-aussi ; il est donc l'heure d'aller chercher Nuage Polaire pour commencer notre entraînement matinal. Je marche jusqu'à la tanière des apprentis, mais au moment où je courbe l'échine pour y entrer la tête et appeler mon apprenti, une voix derrière moi me demande. Je me relève, tourne la tête et croise le regard azur de mon fils déjà debout. Il semble préoccupé lui-aussi ; je me demande bien pourquoi, et incapable de l'abandonner à son sort, je m'éloigne à ses côtés pour discuter tranquillement.

Un peu plus tard, après avoir longuement rassuré Nuage d'Ange, j'aperçois mon apprenti près de la réserve et le rejoint là-bas sans plus attendre.

« - Bon matin, Nuage Polaire. Tu as bien dormi j'espère, car aujourd'hui on s'attaque à la partie pratique de ton entraînement ! Mais avant toutes choses, comment se porte ta patte ? Je ne voudrais pas que tu te blesses davantage et que cette blessure t'empêches de donner ton maximum. »