C’était par une nuit glaciale, où l’onde miroitante des étoiles dansait dans le ciel obscur. Le camp hospitalier du Clan du Tonnerre, bercé par les profonds ronflements des guerriers endormis, était baigné d’une lueur lactée. La lune dessinait un faible croissant recourbé, comme une griffe de blaireau, protectrice au-dessus des songes de chaque félin. La forêt, paisible et sans bruit qui entourait la clairière était plus menaçante que la voute céleste. Un faible bruissement de feuille se fit entendre. Celui d’un félin s’extirpant de sa tanière. Ce jeune mammifère au pelage foncé, leva les yeux sur les constellations dessinant parfois des formes s’apparentant à des chats ayant vécu il y a de cela plusieurs lunes. Certains bien avant la naissance du plus vieux des matous de la forêt et d’autre plus récent, dont même les plus jeunes eut connus. Nuage de Saule s’ébroua. Sa fine silhouette ondulante sous sa fourrure vaporeuse. Sous l’éclat de la lune, on aurait presque dit un fantôme, car seul son joli museau blanc, son ventre et le bout de ses pattes puissantes étaient bien visible. Le reste de son soyeux pelage brun tigré se fondait parfaitement dans la noirceur. La jeune chatte tourna son regard jade vers la tanière des guerriers, tendant les oreilles dans cet direction, guettant le moindre mouvement. Elle ne voulait pas que l'on la suive. Elle voulait être seule, loin de tous ces félins de son propre clan et ceux adverse. Son cœur palpitait à l'envie de désobéir à nouveau, échapper à la vigilance de ses aînées pour partir à l'aventure. Bien souvent, dans le début de son apprentissage, la novice s'était sauvé pour rencontrer des guerriers des clans ennemis en cachette, mais jamais personne ne l'avait su. Cette fois, ce n'était pas un autre matou qu'elle irait trouvé, mais son ancien territoire; les terres ancestrales de ses ancêtres du Clan de la Rivière. Nuage de Saule se dirigea à pas de loup vers le tunnel secondaire qu'elle traversa en prenant soin de ne pas frôler une seule fronde. Une fois ses quatre pattes hors du camp, elle bifurqua rapidement vers la rivière. L'apprentie se précipita ventre à terre vers le bruit incessant du cours d'eau glissant contre la pierre. Son cœur battait à tout rompre! Jamais elle n'aurait cru être capable de filer en douce durant la nuit afin de retourner sur les terres de son clan, ses terres qui lui manquait énormément. Nuage de Saule n'en pouvait plus de vivre en cohabitation avec les matous du Clan du Tonnerre, elle voulait regagner son propre clan, celui dans lequel elle étais née avec sa sœur, Nuage de Soleil. La chatte vit enfin la bande miroitante au loin entre les troncs verticaux des arbres. Son cœur s'emballa. Elle accéléra sa course, puis bondis au sommet d'un amas de rocher qu'elle reconnu que trop tard comme étant les rochers du soleil. Ces fameux rochers que les deux clans s'arrachaient génération après génération. Nuage de Saule se tenait à leur cime, le dos bien droit, tel une guerrière victorieuse. Un instant, elle pensa avoir gagné la bataille pour remporter les froids rochers au nom de son clan, mais vite, la vue de la bande noir et luisante de poussière d'étoile et de brume, lui fit vite oublier sa rêverie. La novice descendit de son perchoir en ondulant la queue comme un serpent, puis s'approcha délicatement de l'onde glacée. La chatte s'y pencha, plongeant sa langue rapeuse dans l'eau fraîche, elle s'y délecta avec bonheur. Nuage de Saule releva la tête, léchant ses babines humectés, le regard plongé sur les terres marécageuses et dévastés qu'avait jadis habité son peuple. L'apprentie longea le flot, son regard brillant toujours posé sur la rive opposé. Elle remarqua au loin, le dessus du chemin de galet qu'empruntais souvent les félins afin de traverser le gué. Elle s'y engagea, bondissant sur le premier galet. L'une de ses pattes avant glissa à l'eau, la faisant trébucher et tomber dans la rivière dans un bruissement sonore. Prise de panique par le contact glacée de l'eau, Nuage de Saule agita les pattes de toutes ses forces et gagna le galet suivant où elle s'ébroua. Soudain, un bruit dans les fourrés du Clan du Tonnerre l'interrompit. Quelqu'un l'avait suivit. Son cœur s'emballa et sa respiration se coupa net. Elle aurait des ennuies, elle le savait. L'apprentie fut tout de même soulagé de voir que son assaillant avait le pelage gris et non roux. Ce n'était ni Cœur du Temps, ni Nuage de Soleil qui l'avait pister jusqu'ici. Le guerrier argenté sortit des fougères, son regard bleu glaciale plongé dans celui de la jeune chatte. La novice fit demi-tour sur son perchoir afin de faire face à son aîné, les yeux plissés en signe de mépris. Pourquoi l'avait-il suivit? De quoi se mêlait-il? Il lui semblait que Forêt Lunaire la suivait partout où elle allait et ça depuis l’inondation. Le mâle s'avança vers la berge où il s'assit d'un air pensif avant d'oser ouvrir la bouche pour parler.

Debout sur son maigre perchoir au dessus des flots sombres de la rivière, Nuage de Saule n'eut d'autre choix que d'écouter les sages paroles de Forêt Lunaire. La voix douce tel une caresse du vent du jeune guerrier vint effleurer les oreilles de l'apprentie qui les agitaient nerveusement.

« - Nuage de Saule, qu’est-ce qui te prends de faire cet acte? Tu sais que tu auras de gros problème? Je sais que tu veux te rendre au clan de la rivière, mais c’est trop dangereux. Comme tout clan de la rivière, nous rêvons d’y retourner, mais comme tout le monde, tu dois être patiente. S’il t’arrivait malheur, le clan ne pourrait pas t’aider, ils ne sauront pas où tu es caché. » miaula Forêt Lunaire d’un air calme.

Le guerrier fixait la novice droit dans les yeux, comme pour la dissuader de répliquer, mais Nuage de Saule ne put se laisser marcher sur la queue. Elle en avait plus que marre de se faire ordonner de se taire. Son cœur n'en pouvait plus, la nourriture la rendait malade, les guerriers du Clan du Tonnerre ne cessait de la juger comme une moins que rien. Sa fourrure se hérissa, devenant plus épaisse sur ses flancs lorsqu'elle ouvrit la gueule pour montrer les crocs à Forêt Lunaire. Ses yeux jades luisaient d'une lueur doré, presque mauvaise.

« - Tu ignores ce qui se passe dans ma tête en ce moment! Comment j'aimerais te dire que tu n'y comprends rien. Toi, tu es un guerrier, tu as appris à ne pas écouter les sornettes des autres clans, mais moi, qui ne suis qu'une apprentie, je ne peux tolérée que le Clan du Tonnerre dise du mal de mon clan. J'en ai plus qu'assez! On ne peux même plus dormir, ni manger correctement. Tous ce qu'on chasse termine dans l'estomac de ces gros fainéants! Si tu veux être sûr que rien ne m'arrive, tu peux me suivre, mais moi j'y vais tout de même. J'en ai plus qu'assez d'empester les sous-bois! »

D'un mouvement la queue, Nuage de Saule fit demi-tour sur son rocher, puis dans un élan maladroit, elle gagna la rive opposé d'un bond. Son pelage sombre disparut rapidement dans un buisson d'aubépine, suivit de près par son odeur. Le fait de se retrouver sur ses terres la fit trembler d'excitation. Son cœur menaçait de rompre dans sa poitrine. L'apprentie tigrée s'élança vers son ancien camp, sans attendre de savoir si le mâle l'avait suivit ou non. Elle passa sous un vieux tronc en biais entre deux arbres, puis traversa l'arbre-pont qui déterminait l'entrée du camp. Le sol marécageux suintait sous ses pattes et collait à sa douce fourrure, mais la chatte ne s'en souciait point. Elle retrouva les décombres de plusieurs tanières, dont la pouponnière et celle des apprentis. Ce qui lui brisa le cœur. La crue n'avait rien épargné. Même le grand saule avait été contraint de plier sous le poids de l'eau. Son tronc autrefois noueux et fier, penchait étrangement vers le centre du camp. La novice leva les yeux vers les longues branches pendantes tout en versant une larme.

« - Ô Clan des Étoiles... » se plaignit Nuage de Saule, ses pattes se dérobant sous elle. « - Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter ça? Pourquoi ne pas punir les autres clans à notre place? Nous n'avons rien fait de mal pour mériter une telle catastrophe. »

Nuage de Saule n'avait nullement l'intention de resté dans les parages. Elle en avait assez vu. Son camp si adoré, ne ressemblait plus à rien et puis, l'eau ne tarderait surement pas à regagner les terres de son clan, car la chaleur du matin commençait à lui réchauffer la fourrure. Alors qu'elle se levai, Forêt Lunaire s'avança pour venir se poster à côté d'elle, le regard perdu dans le vague du ciel pâlissant. Le guerrier miaula.

« - Maintenant tu vois le carnage? Certes ce paysage reviendra mais les blessures changeront nos vies à jamais. Ne crois pas que nous avons eu le choix de déménager dans le Clan du Tonnerre, personne avait envie d’y aller, mais malheureusement nous n’avons pas eu le choix. Crois tu que nous aurions fait preuve d'hospitalité avec eux si un drame serait survenu dans leur terre? Il en a qui deviennent amis et d’autre non dans la fusion des clans. »

La novice ne comprenait pas trop ce que voulais insinuer le guerrier, mais elle savait que désormais son clan devrait une dette au Clan du Tonnerre, mais que viendrait-il leur demander? Des poissons de la rivière? Une partie de leur terre? Ils devraient s'attendre au pire avec ces matous égoïstes.

« - Maintenant ou veux-tu aller? » demanda le guerrier ardoise comme s'il avait lu les pensées de l'apprentie.

Nuage de Saule ne répondit pas, elle se contenta de rebrousser chemin, la mine basse. Elle retraversa l'arbre-pont en passant près glisser et s'étaler dans la boue. Comme elle l'avait prédit, la crue avait remonter sur le terre-plein, englobant les racines des arbres les plus près de la rive. L'apprentie brune se jeta à l'eau sans réfléchir, car les galets avaient disparut sous la flottes. Perdu dans ses pensées, elle ne remarqua même pas la petite silhouette rousse qui sortit d'une cavité sombre des rochers du soleil. La jeune rouquine affichait un air indignée et lorsque sa sœur atteignit la berge, elle lui donne un coup de patte sur le museau en feulant:

« - Idiote! Je me faisais du mouron pour toi, alors que tu t'amusais encore une fois sans moi. »

Nuage de Saule baissa la tête, puis jeta un bref coup d’œil au matou qui les avaient rejoins.

« - Je suis désolé Nuage de Soleil. Je sais comment tu tiens beaucoup à ton entraînement, alors je ne voulais pas te déranger dans ton sommeil pour que demain tu rates tout. »

L'apprentie brune mâchait mal ses mots. Elle ne savait plus quoi dire pour sa défense. Il faut s'en dire aussi qu'elle ne pouvait mentir à sa sœur -qui la connait que trop bien-.