Le regard de Nuage d’Illusion n’exprimait rien de plus que…rien en fait. Son regard n’exprimait pas une once de sentiment, pas même de l’impatience, de l’excitation. C’était rare qu’il était choisi pour des patrouilles de chasse ou frontalières et ce n’était pas étonnant, il ne tentait même pas d’être choisi, restant toujours à l’extérieur du camp ou alors dans sa tanière, dans son lit de mousse, s’il ne s’entraînait pas. Bien qu’il soit rare qu’il s’entraîne. Parce que. Il n’y avait pas de raisons pour expliquer le pourquoi du comment. Le comment du pourquoi. Pas de raison, non. Rien. Il ne s’entraînait que lorsqu’il en avait envie. Et c’était ainsi. Personne ne pouvait changer les choses. Aussi ardemment le souhaitait-il parce que le novice roux ne pouvait être changé. Pas du tout. C’était mission impossible de le changer, il était comme il était. C’était aussi simple que cela.

Mais ça, peu de chats voulaient le comprendre. Que le petit était psychotique et qu’il ne fallait pas chercher plus loin. Peu de chats ne voulaient le côtoyer et essayer de comprendre derrière ses accès étranges, son sourire menaçant, son envie de tuer pour laisser la mort régner. Parce que la Mort devait montrer à la Vie que c’était la Mort qui devait commander dans ce monde et pas la Vie. La Mort méritait de commander sur toutes les formes de vie, les tuer afin de régner, même au sein des Bipèdes, ces êtres étranges qui faisaient des choses étranges que même le Clan des Étoiles ne pouvaient comprendre, parce que les Bipèdes, c’était les Bipèdes, après tout.

Nuage d’Illusion s’était arrêté devant Fleur de Lumière en attendant que la guerrière qui était venue le chercher alors qu’il s’était réveillé que depuis peu arrive. Parce qu’ils allaient à une patrouille de chasse, apparemment. Parce que c’était ainsi, il n’avait pas refusé. Il devait s’occuper de toute évidence pour chasser les derniers relents de son cauchemar de cette nuit. Quand il dormait, il faisait des cauchemars et cela était bien loin de lui plaire et pourtant, il n’en parlait pas non, il ne disait rien, se contentant ainsi de subir les cauchemars sans se plaindre. Il ne se plaignait jamais, ce novice. Qu’il ait mal ou faim, il ne se plaignait pas. Et quelques rares fois, il parlait. Il disait les choses qu’il ressentait pour énoncer des faits et non pas pour se plaindre. Sa voix dure et sans appelle disait quelque chose pour l’énoncer, sans attente de pitié ou quoi que ce soit d’autre.

Quand Célébrité Lumineuse revint, les trois étaient prêts à partir. D’ailleurs, la dernière venue en fit la remarque à la meneuse de la patrouille, Fleur de Lumière, qui ne répondit pas tout de suite, mais ne prit pas trop de temps non plus. Elle complimenta la guerrière qui était venue déranger l’apprenti en lui disant qu’elle avait fait le bon choix et l’œil de Nuage d’Illusion tressauta. Le bon choix? Était-il réellement un bon choix? Il en doutait complètement, mais il ne le fit pas remarquer, ça ne l’intéressait pas. De toute évidence, elle remarquerait bien vite s’il était un bon choix ou non et peut-être à ses dépens, qui sait. L’apprenti ne ferait pas d’efforts pour bien se tenir, il ne faisait jamais ça. Alors elle le verrait sous son véritable jour, comme Désillusion Apocalyptique le voyait, comme la solitaire l’avait vu et comme Zebda le connaissait.

Il inclina la tête. Avait-il bien dormi? Non. C’était un non. Tout simplement. Un non. Qui s’imposa dans son esprit. Il ne dormait jamais bien, quand il dormait. Et cela le rendait que d’humeur encore plus exécrable et instable, changeante. Parfois, il avait plein d’énergie et d’un coup, il était morose. Cela ne s’expliquait pas, c’était comme ça. Il ne fallait pas chercher plus loin. Avait-il bien dormi? Décidément pas, aussi ne répondit-il pas à la question. En fait, seul le silence fit écho aux questions que la chatte avait posées, de la part du novice au pelage de flamme. Il n’avait pas plus faim qu’il avait bien dormi et n’attendait désormais plus que le départ de la patrouille de chasse pour pouvoir partir errer dans les terres par la suite. Et peut-être croiserait-il Symphonie des Corneilles, sait-on jamais.

HRP: