Je soupirai. Lumière de Sang venait d’organiser les patrouilles, et je ne faisais partie aucune d’entre elles. De plus, le soleil commençait à décliner ; le crépuscule approchait à grand pas. Bien que j’eusse participé à la patrouille de l’aube et que je sortais d’une expédition de chasse, je me sentais encore assez en forme pour vérifier une nouvelle fois les frontières. Du haut de mes dix-sept lunes, j’avais de l’énergie à revendre, que diable !

Comme je n’avais pas envie de me reposer dans la tanière ou de profiter des derniers rayons du soleil, je traversai le tunnel d’ajoncs pour me retrouver dans la forêt. Machinalement, je me dirigeai vers les Quatre Chênes et repensai à ma dernière visite. Ce jour-là, j’avais rencontré Nuage d’Ange. C’était une belle journée, j’avais pu revoir une bonne amie. Souvent je pensais à ce qui se passerait si nous vivions tous ensemble, dans le même Clan. Mais l’instinct reprendrait le dessus, quoi que nous fassions. C’était la volonté du Clan des Étoiles : il y aurait toujours quatre Clans. C’était ainsi, et personne ne pourrait jamais rien y changer.

Perdu dans mes pensées, je ne m’étais pas aperçu que j’approchai de la cuvette des Quatre Chênes. Soudain, une odeur étrange me parvint. Un chat errant ! J’étais tellement absorbé par mes réflexions que je m’en étais pas rendu compte. Je n’eus pas le temps de faire miaou, qu’un matou me cloua au sol. Je poussai sur mes pattes arrière pour me libérer, et lui fit face. C’était un gros chat brun aux yeux ambrés, dont les muscles puissants jouaient sous les larges épaules. Tout-à-coup, deux autres solitaires surgirent des fourrés. Il y avait un petit mâle maigre, à la fourrure tigrée et négligée, qui semblait avoir l’âge d’un vétéran, et une chatte gris perle haute sur pattes d’environ treize lunes. Le matou brun profita de mon moment d’inadvertance pour me griffer le museau, coup que je lui rendis en le mordant. Les deux autres descendirent. Je feulai, l’air menaçant, mais déglutis péniblement. Je me trouvais face à trois chats, et j’étais seul.

Les chats errants m’assenaient une pluie de coups, que je tentais tant bien que mal de leur rendre. Mais je perdais du terrain, si bien que nous finîmes par dépasser les Quatre Chênes, et nous approchâmes de la frontière avec le Clan de la Rivière. Je tenais à peine sur mes quatre pattes. Mes assaillants avaient plusieurs plaies non négligeables, dont une à la patte du gros matou brun qui le faisait boiter. Mais c’était moi qui souffrait le plus de ce combat : mon oreille, déchirée, dont le sang dégoulinait jusque dans mes yeux, me faisait affreusement mal, et le sang coulait à flots d’une blessure qui partait traversait mon ventre. Et ce que je craignais le plus arriva : nous franchîmes la frontière et nous retrouvâmes sur le territoire du Clan de la Rivière, tout près des chutes que j’entendais gronder.

Mes yeux se fermaient d’eux même, lorsque j’aperçus une silhouette grise. Était-ce la douleur qui me faisait avoir des hallucinations ? Était-ce un esprit du Clan des Étoiles qui venait me chercher ? Je n’aurai sur le dire, jusqu’à ce que l’ombre s’approche. C’était un grand mâle gris cendre, aux yeux bleu argent. Esprit des Songes, le lieutenant du Clan de la Rivière ! J’eus un regain d’énergie en me disant que j’avais enfin de l’aide. Il se jeta sur mes ennemis avec un cri guerrier, et, terrassés par notre force, les solitaires s’enfuirent en hurlant.

Exténué, je luttai contre le besoin de dormir, même si je devais reprendre des forces après cette bataille : je savais qu’il fallait que je me maintienne éveillé, pour répondre à d’éventuelles questions du vétéran. Nous étions à quelques longueurs de queue des chutes, désormais. Je m’assis, et grimaçai. La grande balafre sur mon ventre me faisait atrocement mal. J’entrepris de la lécher avec difficulté. Peut-être fallait-il appeler un guérisseur… J’articulai péniblement :
« Je suis désolé… d’avoir pénétré… sur votre… Je lâchai un hoquet de douleur. Territoire… »

Peu après l’arrivée d’Esprit des Songes, les solitaires avaient déguerpi, dépassés par son expérience au combat. Le vétéran, en me voyant m’asseoir et tenter de parler, me dit :

« Ne t'en fais pas pour ça, laisse-moi t'aider pour tes blessures puis on parlera de ça après. »

Alors que je m’affalais au sol, épuisé, le lieutenant du Clan de la Rivière partit me chercher quelques remèdes. C’est ainsi que, quelques instants plus tard, mes blessures étaient pansées, désinfectées et j’avais pu me désaltérer. Je me sentais beaucoup mieux, désormais. Il était clair qu’Esprit des Songes m’avait sauvé la vie ; sans lui, je ne serais plus là pour en parler. Je lui lançai un regard reconnaissant et soufflai :

« Merci. »

Puis, il commença à me regarder d’un air interrogateur. Ah oui, j’étais sur son territoire... Un peu gêné, je regardai mes pattes. Tâchées de sang il y a quelques instants, elles étaient désormais immaculées, comme à l’accoutumée. L’air neutre, le matou couleur cendre me demanda :

« Pourrais-je savoir ce qui s'est passé? Comment as-tu fais pour traverser notre frontière par ''accident'' quand ton territoire est à l'autre extrémité de la forêt ? »

Question pertinente. Je ne savais pas si ma raison allait lui convenir. Je me sentis tout-à-coup horriblement ridicule : j’étais un si mauvais guerrier que trois solitaires galeux m’avaient repoussé en territoire ennemi. L’air coupable, je répondis :

« Je sais que c’est mal, que je sois ici, mais… En fait, ces solitaires m’ont attaqué aux abords des Quatre Chênes et… Je me sentais de plus en plus idiot. Et bien, ils m’ont forcé à dépasser la frontière. » Je relevai la tête vers le guerrier qui me regardait, toujours impassible. Je répétai d’une toute petite voix : « Je sais que c’est mal… »

Le regard bleu argenté du lieutenant toujours posé sur moi, je soupirai discrètement. Est-ce qu’Étoile du Feu-Follet allait me punir de cette intrusion ? Ou pire… et si Esprit des Songes me conduisait à son chef ? Soudainement apeuré, je demandai craintivement :

« Est-ce que… est-ce que vous allez m’emmener voir Étoile de Nénuphar ? »

Esprit des Songes répondit à ma question :


« « Évidemment, je n'aurai pas le choix de lui dire mais non, pas la peine de t'amener. Elle va comprendre et puis, qu'est-ce que tu veux qu'elle fasse avec toi? Te punir ? Je ne crois pas, surtout pour un simple accident. » »

Cette réponse ne me rassura pas vraiment. Mais bon. J’espérais juste que le vétéran avait raison et que sa chef ne me punirait pas. De toute façon, si c’était le cas, j’aurais crié à l’injustice ! Ce n’était tout de même pas ma faute si des solitaires m’attaquaient à trois contre un. Je n’avais aucune chance ! Ils avaient l’avantage du nombre, et de la surprise. Si j’en avais combattu un seul à seul, sûr que je l’aurais vaincu. J’étais tout de même stupide de m’être laissé surprendre. D'habitude, c’était le Clan de l’Ombre qui attaquait par surprise, pas qui se faisait attaquer ! Je soupirai. Le matou du Clan de la Rivière continua :

« « Ne t'en fais pas le jeune, Étoile de Nénuphar n'est pas un tyran. Je dois simplement lui informer. Le pire qu'elle risque de faire c'est de prévenir ton chef, sans oublier que c'est un accident, non? Alors tu ne risques rien. » »

Euh… Il croyait vraiment que j’avais menti, là ? Eh ! Ça se voyait que j’avais des problèmes, non ? Je fus légèrement vexé. Enfin, très légèrement. Ce n’est pas parce que je suis du Clan de l’Ombre que je ne suis pas digne de confiance, enfin ! Je fis mine de me lever et dis :

« « Bon, c’était gentil de venir m’aider, mais là, je crois que je vais y aller. Les miens vont finir par s’inquiéter. Vous êtes d’accord ? » »

[Désolée pour ce rp pourri, j’étais pas très inspirée :/ Je pense qu’on peut bientôt clôturer, non ?]